L’incertitude règne alors que la guerre commerciale menace la croissance économique, complique les perspectives d’inflation et alimente la volatilité sur les marchés financiers, ce qui oblige les investisseurs à soupeser une grande variété d’issues possibles. Dans ce contexte, les actions sont sous pression, car les investisseurs évitent les titres de croissance américains à grande capitalisation qui sont chers et privilégient ceux dont les valorisations sont plus raisonnables.
L’incertitude à l’égard des droits de douane menace la croissance
La période en est une de flottement en regard de la politique publique américaine, et le commerce, l’immigration et la fiscalité soulèvent des préoccupations. L’activité accrue et le manque de clarté menacent de freiner temporairement la croissance économique, car les entreprises et les ménages choisissent de reporter leurs décisions clés. Avec la baisse de confiance des entreprises et des consommateurs et l’imposition de droits de douane, le risque de récession est maintenant substantiel pour le Canada et le Mexique, et il a même un peu augmenté pour les États-Unis où la probabilité de récession est passée de 15 % à 25 % ou plus. Nos prévisions de croissance dans les pays développés ont été presque universellement revues à la baisse pour 2025 et se situent maintenant un peu en deçà des prévisions générales. On s’attend maintenant à ce que la croissance aux États-Unis ne soit que de 1,9 % pour l’année, contre 2,3 % il y a un trimestre. L’année 2026 devrait être meilleure pour la croissance mondiale, les prévisions étant généralement conformes ou légèrement au-dessus des attentes générales. Outre le Mexique, les prévisions de croissance des marchés émergents se sont avérées plus stables. Plus particulièrement, les perspectives de croissance pour la Chine en 2025 se sont améliorées de quelques dixièmes pour s’établir à 4,6 %. Les risques liés à ces prévisions de croissance sont bidirectionnels. Du point de vue optimiste, les droits de douane élevés peuvent peut-être être évités après tout. Du point de vue négatif, peut-être la guerre commerciale sera-t-elle encore plus importante que ce que l’on craignait. Un autre risque de baisse est l’intensification potentielle des tensions géopolitiques, puisque les États-Unis semblent s’éloigner de leurs alliés traditionnels, ce qui contraint le monde à repenser les alliances internationales et crée une occasion pour les mauvais acteurs.
Augmentation des prévisions inflationnistes
Nous avons relevé les perspectives d’inflation pour 2025 pour deux raisons : les droits de douane sont inflationnistes à court terme et l’inflation aux États-Unis s’est révélée persistante dernièrement. Aux États-Unis, l’inflation stagne autour de 3,0 %, tandis que d’autres pays ont réussi à la ramener entre 2,0 % et 2,5 %. Dans l’ensemble, nous prévoyons que l’inflation aux États-Unis progressera de façon marquée en 2025, passant de 2,9 % en 2024 à 3,3 %. D’autres pays devraient également connaître une hausse de l’inflation. Comme pour la croissance, nos prévisions sont défavorables par rapport aux attentes générales (c.- à-d. au-dessus).
L’orientation du dollar américain reste un facteur clé des marchés des changes
Le dollar américain affiche la plus forte survalorisation en près de quatre décennies par rapport aux devises de ses principaux partenaires commerciaux et la plus importante jamais enregistrée par rapport au dollar canadien. L’orientation du dollar américain a été l’un des principaux moteurs des marchés des changes, tandis que l’attention des investisseurs alternait entre les taux d’intérêt américains et les élections aux États-Unis. C’est ce dont témoigne la synchronisation de plus en plus grande des taux de change des marchés développés depuis l’automne 2024. Nous nous attendons à ce que le billet vert se déprécie à long terme, mais nous avons mis en pause nos perspectives baissières à la suite des élections aux États-Unis au trimestre dernier, en raison des mesures commerciales susceptibles de peser sur les partenaires commerciaux des États-Unis. Une baisse plus marquée et de plus grande ampleur exigerait probablement l’enthousiasme des investisseurs pour l’affectation de capitaux à l’extérieur des États-Unis, dont des signes provisoires ont été observés récemment.
Les banques centrales devraient poursuivre l’assouplissement de leur politique en raison des droits de douane
Les banques centrales sont en mode de réduction des taux depuis un an, et de nouvelles mesures d’assouplissement sont probables en 2025. La Réserve fédérale a maintenu son taux directeur en janvier et devrait réitérer la mesure le 19 mars, à moins d’un ralentissement marqué de l’activité économique. La fourchette cible du taux des fonds fédéraux se situe actuellement entre 4,25 % et 4,50 %, ce qui est supérieur à ce que la Fed et les investisseurs considèrent comme un niveau neutre – c.-à-d. ni stimulant ni restrictif pour la croissance économique et les prix à la consommation.
Si les droits de douane sont maintenus pendant une période prolongée, les freins à la croissance économique, plutôt que les facteurs inflationnistes, seront probablement les éléments clés qui inciteront les banques centrales à réduire les taux. Toute inflation causée par les droits de douane représenterait un choc ponctuel sur les prix et le taux d’inflation devrait rapidement revenir à la normale par la suite, alors que tout dommage économique connexe serait durable. Par ailleurs, il y a place à d’importantes détentes monétaires supplémentaires pour un certain nombre de pays, possiblement hormis les États-Unis en raison de leur économie relativement plus robuste et de leur inflation plus élevée par rapport à d’autres pays.
Le potentiel de rendement des obligations d’État demeure acceptable malgré la récente reprise
Les obligations du Trésor américain ont jusqu’à présent fait contrepoids à la volatilité plus élargie sur les marchés financiers. Le taux de l’obligation du Trésor américain à 10 ans s’est redressé à 4,21 % à la fin de février, par rapport à un sommet de 4,80 % au début de l’année, alors que les investisseurs recherchaient des valeurs refuges en raison de la menace de droits de douane et des répercussions négatives potentielles sur l’économie. La principale menace pour les investisseurs en titres à revenu fixe serait une hausse surprise de l’inflation causée par des politiques commerciales défavorables, mais cette pression à la hausse pourrait être compensée par des conditions de croissance plus faible. Selon nos modèles actuels, l’obligation du Trésor américain à 10 ans est raisonnablement valorisée et offre un potentiel de rendement raisonnable, en contrepartie d’un faible risque de valorisation si l’inflation continue de fléchir. Nous nous attendons à ce que les obligations procurent au moins des rendements proches des taux nominaux, soit autour de 5 %, au cours de la prochaine année, mais dans un contexte de plus grande divergence entre les marchés obligataires en raison de leurs perspectives économiques inégales.
Les actions chutent tandis que la guerre commerciale sévit
Les actions ont commencé à chuter vers la fin de février après avoir atteint des niveaux records au début du trimestre, les investisseurs ayant évité de prendre des risques dans un contexte d’incertitude accrue. La liquidation s’est concentrée sur les actions américaines les plus chères, tandis que d’autres marchés dont les cours sont plus attrayants, comme les actions européennes, ont enregistré des gains impressionnants depuis le début de l’année. Selon nos modèles, les actions américaines à grande capitalisation demeurent coûteuses et nécessitent une croissance forte et soutenue des bénéfices pour produire d’autres gains. Les prévisions générales des analystes tablent sur une croissance des bénéfices d’environ 10 % cette année et l’an prochain, bien que ces estimations puissent faire l’objet de révisions à la baisse si les droits de douane sont maintenus pendant une longue période, ce qui rend les actions vulnérables compte tenu de leur niveau initial élevé. Nos estimations de rendement oscillent entre 5 % et 9 % au cours de la prochaine année, selon la région, mais nos prévisions centrales sont associées à d’importantes fourchettes d’erreur.
Répartition de l’actif – maintien de la position neutre stratégique
En équilibrant les risques et les rendements au sein de notre répartition de l’actif, notre recommandation reste relativement prudente et conforme à notre position neutre stratégique. Selon notre scénario de base, l’économie progressera à un rythme modeste, bien que nous reconnaissions que des écarts importants sont possibles compte tenu de l’incertitude entourant les droits de douane. Les obligations offrent un bon potentiel de rendement et un important contrepoids à la volatilité des marchés boursiers, et cet avantage de diversification est particulièrement important dans ce contexte. Nous avons géré de façon tactique nos placements en titres à revenu fixe. Alors que le taux de l’obligation américaine à 10 ans a grimpé à plus de 4,60 % plus tôt dans l’année, nous avons ajouté 50 points de base aux obligations, opération financée au moyen des liquidités. Nous avons contrepassé cette opération après la dernière reprise, sachant que même si l’obligation américaine à 10 ans reste attrayante, elle l’est légèrement moins qu’au début du trimestre. Les actions continuent d’offrir un potentiel de rendement supérieur à long terme. Toutefois, comme les valorisations demeurent élevées, la prime entre les actions et les obligations est anormalement faible en ce moment, particulièrement dans le cas des actions américaines. Par conséquent, nous sommes plus prudents à l’égard des actions à court terme et maintenons une pondération neutre en actions dans l’ensemble, mais nous avons rajusté nos préférences régionales. Ce trimestre, nous avons réduit la pondération des actions de l’Amérique du Nord en faveur des actions internationales et de marché émergent. Pour un portefeuille mondial équilibré, nous recommandons actuellement la répartition de l’actif suivante : 60 % en actions (position neutre stratégique : 60 %), 38 % en titres à revenu fixe (position neutre stratégique : 38 %) et le reste en liquidités.
Composition d’actifs recommandée
Comité des stratégies de placement RBC GMA