Nous restons pessimistes à l’égard du dollar américain, car nos perspectives se fondent sur des vents contraires à long terme. Une combinaison de facteurs dominants devrait entraîner un recul du dollar au cours des prochaines années : la surévaluation de la monnaie, un renversement des entrées de capitaux et l’érosion de la crédibilité budgétaire des États-Unis. Nous prévoyons que les premiers bénéficiaires de cette faiblesse du dollar seront l’euro et le dollar canadien, tandis que le yen et la livre sterling seront à la traîne. Les monnaies des marchés émergents pourraient d’abord être freinées par les baisses de taux des banques centrales, mais elles finiront par bénéficier de la faiblesse généralisée du billet vert.
Certains auraient pu prédire une fluctuation plus marquée du dollar américain au cours des trois derniers mois, notamment en raison de l’émergence de Donald Trump comme candidat favori en vue des élections générales de novembre, de la conviction que les banques centrales ne procéderont pas à d’autres hausses des taux d’intérêt et du consensus émergent selon lequel l’économie mondiale évitera la récession. Le billet vert a toutefois évolué dans une fourchette étroite pendant la majeure partie de l’année dernière. Bien que le dollar demeure inférieur d’environ 9 % à son sommet de 2022 après pondération en fonction des échanges commerciaux (figure 1), sa relative stabilité est attribuable, selon nous, à des facteurs compensatoires qui ont maintenu la monnaie en place. Les événements récents, notamment la croissance économique plus forte que prévu, ont soutenu le billet vert, mais leur effet a été amoindri par des facteurs à long terme comme la forte valorisation de la monnaie.
Figure 1 : Le dollar américain demeure inférieur à son sommet de 2022
Nota : Au 29 février 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA
En raison des gains du dollar américain au lendemain de la pandémie, la plupart des modèles indiquent une forte surévaluation de la devise. Notre mesure privilégiée, la parité des pouvoirs d’achat, laisse entendre que le dollar est plus surévalué qu’à tout autre moment depuis le milieu des années 1980 (figure 2) ; il se situe à un niveau injustifié, même si on tient compte de l’indépendance énergétique des États-Unis et de son leadership en matière de technologie. Aussi, nous nous attendons à ce que cette surévaluation soit de courte durée, car comme dans le cas d’un élastique que l’on étire, la résistance augmente à mesure que la monnaie s’écarte de la juste valeur. Et lorsque le retour se produit enfin, les monnaies ont tendance à se rajuster de façon excessive en passant d’un extrême à l’autre plutôt qu’en stoppant à la juste valeur.
Figure 2 : USD – Évaluation selon la PPA
Nota : Au 29 février 2024. PPA = Parité des pouvoirs d’achat. Utilise le nouvel indice Fed USD (indice USTWAFE) du 31 décembre 2019. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Un des facteurs contribuant au maintien de la surévaluation du dollar à court terme est l’augmentation des taux d’intérêt, dans un contexte où il est attendu que la Réserve fédérale américaine (Fed) abaisse les taux directeurs plus lentement que ce qui était prévu à la fin de l’année dernière. L’augmentation de 50 points de base des taux des obligations du Trésor américain à 2 ans observée en février aurait normalement entraîné une hausse du billet vert, si ce n’était des taux d’intérêt allemands qui ont aussi augmenté. Par conséquent, même si les taux des obligations américaines sont plus élevés que ceux de titres comparables, la variation des taux d’intérêt relatifs maintient le dollar dans sa fourchette.
Les investisseurs se demandent maintenant si les élections aux États-Unis en novembre pourraient permettre à la monnaie de rester forte et résistante malgré les obstacles à long terme. Une victoire de Donald Trump provoquerait probablement une appréciation du dollar américain à court terme en raison de la nature de ses politiques. Par exemple, sa proposition d’imposer des droits de douane de 10 % sur toutes les importations nuirait à la compétitivité des partenaires commerciaux du pays en augmentant le prix des biens étrangers pour les consommateurs américains. De plus, les dépenses budgétaires expansionnistes, les réductions d’impôt et la déréglementation appuieraient le rendement économique supérieur favorable au dollar américain observé au cours de la dernière année. Le mépris de Donald Trump à l’égard des organisations internationales et sa faible volonté de soutenir l’Ukraine pourraient également faire grimper le billet vert, car un arrêt de l’aide militaire serait néfaste pour la stabilité européenne.
Cela dit, la réaction à une victoire de Donald Trump pourrait se limiter à une hausse impulsive du dollar, semblable à celle survenue dans les mois qui ont suivi sa victoire de la Maison-Blanche en 2016 (figure 3). Les présidences républicaines ont généralement été les pires pour le billet vert, et les périodes les plus négatives ont été celles où les deux chambres du Congrès et la Maison-Blanche étaient contrôlées par le Grand Old Party (figure 4).
Figure 3 : La reprise du dollar américain après les élections a été de courte durée
Nota : Au 29 février 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 4 : Performance du dollar américain sous l’influence de différents partis politiques
Nota : Au 29 février 2024. Sources : Bloomberg, Réserve fédérale américaine, RBC GMA
Cela dit, nous remarquons que le dollar fait habituellement piètre figure lorsque les actions augmentent, et nous pensons que le penchant de Donald Trump pour la déréglementation et les réductions d’impôt serait positif pour les marchés boursiers. Il pourrait également amenuiser le soutien au billet vert en incitant la Fed à maintenir les taux directeurs plus bas qu’ils ne le seraient autrement, un résultat qu’il pourrait atteindre en nommant des membres du conseil d’administration si ses pressions sur la banque centrale s’avéraient infructueuses.
Il est important de comprendre les raisons pour lesquelles l’élection de M. Trump risque d’entraîner plus de répercussions baissières à long terme pour le dollar. D’abord, l’inclination de Donald Trump pour la réduction des impôts et le maintien des taux d’intérêt à un niveau bas menace de nuire davantage à la crédibilité budgétaire et monétaire des États-Unis. Les réductions d’impôt et les baisses de taux d’intérêt sont des outils à utiliser en contexte de ralentissement économique, et l’économie américaine n’a assurément pas besoin de stimulation supplémentaire. L’adoption de mesures d’assouplissement monétaire et budgétaire pourrait accroître les pressions inflationnistes qui, en ces temps où l’inflation est préoccupante, pourraient éroder la valeur du billet vert par rapport à d’autres monnaies des marchés développés.
Une deuxième préoccupation à long terme est l’attitude critique de M. Trump envers les partenaires commerciaux qui affichent des excédents avec les États-Unis, ainsi que sa volonté d’utiliser la monnaie comme une arme pour exercer une influence géopolitique. Donnald Trump et Joe Biden ont tous deux exclu du système de paiement en dollars des pays qui n’ont pas respecté le droit international, et un deuxième mandat de M. Trump se traduirait probablement par une utilisation plus fréquente de cette approche.
M. Trump a été le premier président à exclure de la sorte d’autres pays que Cuba après que l’Iran a poursuivi son programme d’enrichissement nucléaire, et M. Biden a utilisé la même méthode contre la Russie après son invasion de l’Ukraine. Joe Biden a même été au-delà des sanctions économiques en saisissant littéralement des actifs russes. L’utilisation du dollar à des fins répressives n’est donc pas l’apanage d’un seul parti politique. Aussi, l’utilisation de plus en plus fréquente du dollar comme levier politique pousse les détenteurs d’importantes réserves de devises à s’interroger sur la sécurité de l’épargne nationale détenue aux États-Unis ou libellée en dollars américains. Les politiques américaines n’ont pas fait perdre au billet vert son titre de principale monnaie de réserve à l’échelle mondiale, mais on note assurément une hausse notable des activités de commerce mondial et d’investissements se produisant dans d’autres devises, notamment le pétrole russe négocié en renminbis chinois ou en roupies indiennes.
Quoi qu’il en soit, la trajectoire à long terme du dollar américain n’est généralement pas dictée par les élections, mais par des facteurs persistants qui peuvent modifier l’évolution de la monnaie sur de plus longues périodes. La valorisation est l’un de ces facteurs et elle est bien alignée sur les phases de six à neuf ans entre les sommets et les creux qui caractérisent les cycles du dollar américain (figure 5). Ainsi, nous croyons que le dollar en est aux premières étapes d’un déclin à long terme qui se traduira par un plongeon de son cours d’au moins 20 % dans les prochaines années. De plus, un déficit persistant du compte courant et des dépenses budgétaires importantes soutiendront cette tendance. L’abandon progressif du dollar américain dans les réserves de devises, même s’il ne touche qu’une petite partie de ces capitaux qui totalisent 12 000 milliards de dollars américains, exercera également des pressions à la baisse sur le dollar.
Figure 5 : Cycles à long terme du dollar américain pondéré en fonction des échanges
Nota : Au 23 février 2024. Sources : Bloomberg, Réserve fédérale américaine, RBC GMA
Ce contexte à long terme est d’une importance capitale pour nos perspectives, car il permet d’envisager le comportement futur des autres devises. L’effritement du dollar créera une vague qui inondera tous les autres bateaux, comme c’est le cas depuis l’atteinte d’un sommet par le billet vert il y a 18 mois (figure 6). Nous nous attendons à ce que le premier bénéficiaire de cette faiblesse du dollar américain soit l’euro, puisque la monnaie unique est la deuxième plus importante aux fins du commerce et de l’investissement à l’échelle mondiale, et qu’elle compense fréquemment les fluctuations du dollar américain. Contrairement au dollar canadien, qui est susceptible de suivre le rythme de l’euro, nous sommes d’avis qu’un recul du dollar américain ne renforcera pas le yen japonais ni la livre sterling dans la même mesure.
Figure 6 : La plupart des devises se sont appréciées depuis le sommet atteint par le dollar
Nota : Depuis le 30 septembre 2022. Au 29 février 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Marchés émergents
Les monnaies des marchés émergents se sont relativement bien comportées ces dernières années. Les hausses de taux d’intérêt musclées visant à lutter contre l’inflation ont été grandement avantageuses pour les marchés émergents ; elles ont soutenu les actifs dans ces marchés et ont protégé les devises de la hausse des taux dans les marchés développés.
Maintenant que l’inflation ralentit à l’échelle mondiale, certaines banques centrales des marchés émergents ont commencé à assouplir leur politique monétaire, alors même que les banques centrales dans les pays développés maintiennent le statu quo. Par conséquent, l’écart entre les devises au rendement le plus élevé et celles au rendement le plus faible (figure 7) s’est rapidement rétréci, ce qui pourrait limiter l’enthousiasme des investisseurs pour les monnaies des marchés émergents. En outre, une plus grande volatilité des taux de change pourrait avoir le même résultat, car elle modifie le calcul de la prise de risque pour exploiter les écarts de taux entre les pays. Par ailleurs, même si les marchés sont restés calmes jusqu’à présent, des mesures prévisionnelles (prix des options) laissent entrevoir des fluctuations plus importantes du marché des changes, en raison de la nervosité préélectorale qui marquera le deuxième semestre de l’année (figure 8).
Figure 7 : Resserrement de l’écart entre les actions à rendement élevé et les actions à faible rendement
Nota : Au 29 février 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 8 : Les marchés anticipent une plus grande volatilité à l’approche des élections américaines
Nota : Moyenne de la différence des volatilités historiques des monnaies du G9. Au 8 mars 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Cela ne signifie pas pour autant que les monnaies des marchés émergents s’affaibliront considérablement, car elles continuent d’offrir des rendements en revenu plus élevés, et la crédibilité durement gagnée des banques centrales dans la lutte contre l’inflation continue de se traduire par des versements de dividendes. Une grande partie de cette crédibilité s’accompagne d’un passage aux taux de change flottants, qui permettent aux banques centrales de se concentrer sur la lutte contre l’inflation plutôt que sur la gestion de la vigueur de la monnaie.
Nous surveillons d’autres éléments qui devraient soutenir les devises des marchés émergents, tandis que les pays de ce segment progressent sur la voie du développement économique :
L’amélioration du fonctionnement des gouvernements et une meilleure application du principe de l’État de droit.
Une plus grande intégration des travailleurs dans l’économie formelle, ce qui augmente les recettes fiscales et crée des emplois.
La création de fonds de retraite qui procurent un filet de sécurité sociale et qui encouragent l’épargne-retraite de façon à créer un bassin de capitaux aidant les gouvernements à se financer eux-mêmes à l’échelle nationale.
Le renforcement des marchés des capitaux intérieurs, ce qui stimule les investissements étrangers.
Outre ces avancées socio-économiques, la part croissante des actifs des marchés émergents dans les portefeuilles mondiaux a alimenté la demande pour les devises de ces marchés. Nous nous attendons à ce que cette demande ne diminue pas et à ce que les devises des marchés émergents profitent d’une baisse généralisée du dollar américain.
L’euro
L’affaiblissement de l’activité économique en Europe est la principale raison pour laquelle l’euro n’a pas trouvé d’assise solide au cours des dernières années. La différence entre les croissances économiques de chaque côté de l’océan Atlantique a été marquée, ce qui a entraîné une sortie de capitaux de la zone euro, car les perspectives de rendement des actifs étaient plus prometteuses ailleurs. La combinaison des faibles taux d’intérêt, d’une faible croissance économique et de l’incertitude du contexte géopolitique a ébranlé la confiance à l’égard de la monnaie. On peut en revanche soutenir que les investisseurs font preuve d’un trop grand pessimisme à l’égard de l’euro. Les attentes en matière de données économiques sont maintenant si basses que des indicateurs ont récemment surpassé ce qui était anticipé, et les surprises positives en Europe sont dorénavant supérieures à celles des États-Unis (figure 9), signe que la confiance à l’égard de la monnaie unique est en voie de s’améliorer. Le relèvement des prévisions de croissance mondiale a tendance à avoir une incidence plus grande sur les devises que les changements dans les perspectives de croissance aux États-Unis, et nous prévoyons que l’euro en bénéficiera.
Figure 9 : Surprises économiques
Nota : Au 5 mars 2024. Sources : Citi, RBC GMA
Le pessimisme pris en compte dans le taux de change peut également être quantifié en comparant l’euro à certains des facteurs qui le déterminent. Qu’il s’agisse du rendement des marchés boursiers ou du rendement en revenu supplémentaire exigé par les investisseurs pour détenir des obligations italiennes, les principaux facteurs de rendement de l’euro laissent entrevoir que la devise pourrait se négocier autour de 1,17 $ US (figures 10 et 11). Pour notre part, nous estimons que l’euro peut se renforcer au-delà de ces niveaux, et nous prévoyons que le taux de change pourrait atteindre 1,21 $ US au courant de la prochaine année.
Figure 10 : Les actions européennes laissent entrevoir une hausse de l’euro
Nota : Au 29 février 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 11 : Les écarts dans les pays périphériques laissent entrevoir une hausse de l’euro
Nota : Au 6 mars 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Yen
Le yen japonais s’est retrouvé au dernier rang des devises des marchés développés au cours de la dernière année, et a occupé l’avant-dernier rang à l’échelle mondiale, juste après la livre turque. Cette performance est en grande partie un symptôme de l’écart important entre le taux directeur de -0,10 % de la Banque du Japon et le taux directeur de 5,50 % établi par la Fed (figure 12) ; le coût d’opportunité fait en sorte qu’il est peu attrayant pour les investisseurs japonais de détenir leur propre monnaie.
Figure 12 : Les écarts de taux entre le Japon et les États-Unis à leur plus bas niveau depuis plusieurs décennies
Nota : Au 29 février 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Autre facteur défavorable au yen : il est peu probable que la Banque du Japon intervienne de nouveau sur les marchés des changes. À la fin de l’année dernière, sa principale motivation à défendre le yen était de maintenir le bon fonctionnement des marchés financiers japonais et d’éviter des fluctuations désordonnées du taux de change (figure 13). À moins d’une nouvelle dépréciation soudaine du yen à 160, nous estimons que les investisseurs ne devraient pas s’attendre à ce que la Banque du Japon limite les reculs de sa monnaie. Une liquidation massive du dollar serait nécessaire pour que le yen se redresse.
Figure 13 : Historique des interventions de la Banque du Japon
Nota : Au 31 janvier 2024. Sources : Ministère des Finances du Japon, RBC GMA
Une appréciation du yen exigerait également que la Banque du Japon abandonne durablement ses politiques monétaires extrêmement accommodantes ou que la Fed procède à des baisses de taux supplémentaires, en plus de celles qui sont actuellement prévues. Nous nous attendons à ce que ces deux scénarios se concrétisent, mais peut-être plus tard dans le courant de l’année. Un recul généralisé des marchés boursiers qui ravive la demande pour les valeurs refuges pourrait aussi aider la monnaie japonaise. Nous avons atténué notre optimisme à l’égard du yen et nous prévoyons maintenant que la devise atteindra 135 par dollar américain d’ici 12 mois.
La livre sterling
Depuis la fin de 2022, le Royaume-Uni a connu une inflation plus rapide que ses pairs dans un contexte de croissance économique plus lente. Même si une telle combinaison pourrait ne pas sembler particulièrement attrayante pour les cambistes, la livre a réussi à surpasser systématiquement la plupart de ses pairs des autres marchés développés au cours de la dernière année. Bien que l’effet à long terme d’une inflation structurellement plus élevée au pays (figure 14) se traduira par l’érosion progressive de la valeur de la livre, cela signifie également que la monnaie a bénéficié de la réticence de la Banque d’Angleterre à réduire les taux.
Figure 14 : Inflation structurellement élevée au R.-U.
Au 31 janvier 2024. Données depuis 1990. Sources : Bloomberg, RBC GMA
À mesure que l’inflation faiblira, nous prévoyons que la devise sera plombée par l’incidence persistante du Brexit, par le double déficit du Royaume-Uni et par le ralentissement du marché de l’habitation. Une hausse soudaine des investissements étrangers préoccupe également les investisseurs (figure 15), car elle accentue la pression sur le solde des flux de capitaux déjà en détérioration au Royaume-Uni. De plus, le pays fait face à une hausse inquiétante du chômage lié à la santé. De fait, plus de 2,5 millions de personnes sur les 67 millions que compte le Royaume-Uni ne travaillent pas en raison d’une invalidité de longue durée (figure 16). Nous maintenons donc nos perspectives baissières à long terme pour la livre sterling et nous nous attendons à ce qu’elle soit l’une de celles qui s’apprécient le moins par rapport au dollar, parmi les principales devises. Selon nous, la livre ne devrait augmenter que modestement pour atteindre 1,31 $ US au cours des 12 prochains mois.
Figure 15 : Flux d’investissement au Royaume-Uni
Nota : Au 30 septembre 2023. Sources : Office for National Statistics du Royaume-Uni, RBC GMA
Figure 16 : Une grande partie de la main-d’œuvre est en congé de maladie à long terme
Nota : Au 30 novembre 2023. Sources : Bloomberg, Bluebay, RBC GMA
Le dollar canadien
Le dollar canadien s’est négocié entre 1,32 $ CA et 1,40 $ CA par dollar américain au cours des 18 derniers mois, reflétant en partie les fluctuations plus larges du dollar américain et en partie les facteurs à moyen et à long terme qui pourraient avoir des effets contradictoires.
Sur de longues périodes de placement, le huard a beaucoup à gagner :
Le dollar canadien est sous-évalué, selon des modèles à court et à long terme.
La demande étrangère d’obligations canadiennes est constante.
Le pays a un système bancaire solide et stable, sans fuite des dépôts ni tensions du marché comparables à celles observées aux États-Unis l’an dernier.
Sur le plan fiscal, le Canada enregistre des déficits moins importants et plus viables que ses pairs (figure 17).
La main-d’œuvre de plus en plus instruite au pays offre des possibilités de croissance de qualité supérieure (figure 18).
Une immigration forte devrait stimuler le potentiel de croissance à long terme.
Figure 17 : Le solde budgétaire du Canada est plus sain que celui de ses pairs
Nota : Au 31 décembre 2023. Sources : FMI, RBC GMA
Figure 18 : Niveau de scolarisation
Nota : Au 29 février 2024. Sources : Statistique Canada, RBC GMA
Nous continuons de croire que les données fondamentales positives à long terme du dollar canadien entraîneront son appréciation au fil du temps, surtout par rapport à un dollar américain en baisse. Toutefois, notre optimisme a été quelque peu tempéré au cours de la dernière année, car plusieurs événements ont nui aux perspectives de la monnaie. Plus particulièrement, la hausse des versements hypothécaires et des loyers pèse sur la consommation des ménages, un effet qui devient de plus en plus prononcé chaque mois à mesure que les taux des prêts hypothécaires sont rajustés.
De plus, la politique d’immigration du pays n’a pas non plus produit les avantages économiques que nous avions, comme bien d’autres, célébrés au départ. En fait, même avec des augmentations substantielles de la population active, la taille de l’économie par habitant a diminué, ce qui signifie que le niveau de vie de la plupart des Canadiens s’est détérioré (figure 19). Un mécontentement à l’égard du programme d’immigration du gouvernement est apparu en réponse à une pénurie de logements et cette opposition s’intensifiera sans aucun doute s’il en découle aussi une pénurie d’emplois.
Figure 19 : Le PIB réel par personne ne laisse entrevoir aucune amélioration du niveau de vie au Canada
Nota : Au 31 décembre 2023. Indexé à 100 le 1er janvier 2016.Sources : Bureau of Economic Analysis, Statistique Canada, Banque Nationale, RBC GMA
La récente faiblesse du huard et du PIB par habitant du pays s’explique également par la réticence des sociétés à investir dans les occasions de croissance. Le Canada est à la traîne dans les principaux secteurs d’investissement, y compris dans les dépenses en recherche et développement et dans la création de propriété intellectuelle. Si l’on rajuste les données selon la population, les enregistrements de brevets tirent de l’arrière depuis de nombreuses années par rapport à ceux des États-Unis, de la Chine, de la Corée du Sud et du Japon (figure 20), ce qui contribue à la faible productivité du pays.
Figure 20 : Le Canada est à la traîne en matière d’innovation
Nota : Au 31 décembre 2022. Sources : Macrobond, RBC GMA
Par ailleurs, les sociétés canadiennes se sont montrées réticentes à faire des investissements de capitaux. C’est compréhensible pour le secteur pétrolier, où la politique rend les perspectives incertaines, mais cette tendance concerne un fort pourcentage d’entreprises canadiennes qui choisissent de plus en plus de faire des dépenses en immobilisations à l’extérieur du pays plutôt qu’à l’intérieur de celui-ci (figure 21). Les investissements directs étrangers ont été moins préoccupants au cours des dernières années, car le déficit commercial du Canada a été contenu pendant la pandémie. Mais le solde du compte courant actuel est de nouveau en déficit, maintenant que les Canadiens voyagent à l’étranger et que les hivernants recommencent à passer leurs hivers en Floride. Ces sorties continues de capitaux (des investissements directs étrangers et du compte courant) imposent une pression à la baisse continue sur le dollar canadien.
Figure 21 : Investissements directs étrangers
Nota : Au 31 décembre 2023. Sources : Statistique Canada, RBC GMA
Entre-temps, les investisseurs se concentrent sur plusieurs thèmes de courte durée, y compris la vulnérabilité du Canada au ralentissement de la croissance économique aux États-Unis. Un ralentissement aux États-Unis pourrait faire fléchir le dollar canadien à 1,40 $ CA par dollar américain, et les risques d’un ralentissement économique plus important inquiètent les cambistes qui redoutent une liquidation plus importante du huard. La position des banques centrales est également préoccupante. Nous soupçonnons que la Banque du Canada est plus encline à réduire les taux directeurs que la Fed, compte tenu du ralentissement de la croissance économique du pays, de la hausse de l’endettement des ménages et d’une plus grande sensibilité aux rajustements des taux hypothécaires.
Nous nous attendons à ce que ces facteurs à court terme pèsent sur le huard pendant un certain temps, sans pour autant l’affaiblir au-delà de sa fourchette bien établie de 1,32 $ CA à 1,40 $ CA, mais assez pour qu’il soit à la traîne de l’euro. À plus long terme, nous prévoyons que le dollar canadien obtiendra de meilleurs rendements que les autres devises des marchés développés par rapport au dollar américain, puisqu’il devrait s’apprécier à 1,27 $ CA par dollar américain au cours des 12 prochains mois.