Après une année au cours de laquelle le dollar américain a perdu plus de 10 % de sa valeur, la principale question que se posent les investisseurs est de savoir si le billet vert est sur le point de rebondir à la faveur de la reprise américaine, des campagnes de vaccination couronnées de succès et du redémarrage de l’économie. Nous persistons à croire que le dollar américain continuera de céder du terrain, car son recul pluriannuel n’en est qu’à ses premières étapes et certains facteurs à long terme continuent de peser sur la monnaie. Nous sommes d’avis que le dollar se trouve dans la première moitié d’un marché baissier généralisé, et nous sommes particulièrement optimistes à l’égard des devises cycliques qui seront les plus avantagées par le redémarrage de l’économie.
Compte tenu du risque d’inflation et de l’incertitude concernant le moment où la Réserve fédérale américaine (Fed) mettra fin à sa politique monétaire exceptionnellement accommodante, les cambistes tiennent compte de l’incidence des marchés obligataires sur les fluctuations des devises. Les participants aux marchés surveillent non seulement les taux d’intérêt nominaux, mais aussi les taux réels et les primes de terme. Puisque chacune de ces composantes des taux d’intérêt prend le devant de la scène à un moment différent, une interprétation plus nuancée des fluctuations du marché obligataire est requise. L’augmentation des taux nominaux, au cours de la dernière année, qui a été principalement alimentée par les attentes inflationnistes, a eu pour effet la dépréciation du dollar, tandis que la hausse des taux réels au premier trimestre de 2021 l’a stimulé.
Le redressement du billet vert au premier trimestre de 2021 a pris de court de nombreux cambistes. Le gain de 3 % pondéré en fonction des échanges n’était pas très important selon les normes historiques, mais cette statistique occulte l’appréciation plus prononcée de certaines devises individuelles. Les monnaies du Brésil, de la Colombie et du Japon se sont dépréciées d’au moins 6 %, alors que l’euro – qui arrive au deuxième rang des monnaies les plus négociées – a cédé 5 %. Les cambistes qui pariaient contre le dollar américain à la fin de l’an dernier ont été contraints de réduire ces positions en raison du rebond du billet vert, ce qui a eu pour effet d’en accentuer la remontée. Les événements économiques et politiques qui se sont déroulés des deux côtés de l’Atlantique ont aussi contribué à cette remontée. Aux États-Unis, l’optimisme à l’égard de la croissance économique a été en grande partie alimenté par les chèques de soutien du président Joe Biden et par les attentes liées aux dépenses en infrastructures qui seront annoncées cette année. À l’étranger, le dollar semblait relativement attrayant en raison de la lenteur des campagnes de vaccination contre la COVID-19 et des confinements qui en ont résulté, surtout en Europe. Ces thèmes ayant été pris en compte dans la valeur du dollar, à la fin de mars les facteurs à long terme défavorables au billet vert se sont imposés de nouveau.
Nos perspectives sont fondées sur la trajectoire générale des marchés des changes ainsi que sur les facteurs fondamentaux à long terme. Selon ces mesures à long terme, le dollar est de toute évidence peu intéressant en raison de l’alourdissement rapide des déficits budgétaires et commerciaux des États-Unis, de la préférence des gestionnaires de réserves pour la monnaie chinoise et du fait que le dollar reste surévalué malgré les récentes ventes massives dont il a fait l’objet. Nos analystes donnent à penser que le quatrième grand marché baissier du dollar américain au cours des cinquante dernières années a commencé au printemps 2020 (figure 1) et que sa faiblesse persistera encore pendant quelques années (figure 2). On peut s’attendre à ce que le dollar effectue quelques remontées à court terme, mais les investisseurs dont l’horizon de placement est lointain auraient intérêt à conserver une orientation pessimiste.
Figure 1 : Cycles à long terme du dollar américain pondéré en fonction des échanges
Figure 2 : Évolution du marché baissier du dollar américain
En revanche, les investisseurs dont l’horizon de placement est plus proche devraient prendre en compte les événements politiques, les tendances des statistiques économiques, les prix des produits de base et d’autres indicateurs qui dictent l’évolution des taux de change à court terme. Tout récemment, ce sont les marchés obligataires et les taux d’intérêt qui ont occupé le devant de la scène, en raison principalement de la hausse de l’inflation et des divergences entre les politiques des banques centrales. La réaction de la monnaie n’a pourtant pas été celle à laquelle on aurait pu s’attendre : en effet, le dollar s’est replié alors que les taux américains augmentaient au cours des 12 derniers mois. Même le redressement temporaire du billet vert au premier trimestre de 2021 était modéré comparativement à l’augmentation marquée des taux qui l’accompagnait.
Pour comprendre cette nouvelle dynamique, nous devons regarder au-delà du niveau des taux nominaux des obligations du Trésor et examiner plutôt les diverses composantes du taux des obligations américaines à dix ans. Premièrement, une partie du rendement représente la rémunération pour le niveau prévu d’inflation sur cet horizon de dix ans. Vous pourriez hésiter à faire un placement si vous croyez que sa valeur à l’échéance vous permettra d’acheter moins de biens et de services. Deuxièmement, le « taux réel » représente le rendement que vous pourriez vous attendre à recevoir lorsque l’inflation aura grugé le pouvoir d’achat du capital investi. La performance du dollar américain est davantage liée aux fluctuations des taux réels qu’aux taux nominaux. C’est logique, étant donné qu’une augmentation des taux nominaux attribuable à l’accroissement des attentes inflationnistes pourrait difficilement favoriser le dollar, puisqu’elle correspond à une érosion plus rapide de la valeur de la monnaie. En revanche, l’augmentation des taux réels témoigne du regain d’optimisme des investisseurs à l’égard de l’économie américaine et des actifs de ce pays, ce qui stimule la valeur du billet vert.
Un cadre de Morgan Stanley que nous avons adapté nous aide à visualiser comment le dollar s’est comporté dans le passé dans quatre contextes où les taux d’intérêt et les attentes inflationnistes fluctuaient (figure 3). L’examen d’un cycle complet du dollar américain nous permet de faire quelques observations :
Figure 3: Cadre à moyen terme pour le dollar américain
- La performance du dollar par rapport aux monnaies d’autres pays développés est attribuable aux fluctuations des taux réels. Le régime 1 est le plus défavorable pour le billet vert, car il combine un soutien réduit des taux d’intérêt provenant des taux réels et des attentes croissantes de voir l’inflation gruger la valeur du dollar. Il s’agit du contexte actuel, qui conforte notre prévision d’une faiblesse persistante du dollar.
- Le dollar affiche une tendance légèrement différente de celle des monnaies des pays émergents. Dans le régime 2, l’augmentation des taux réels est moins menaçante pour les monnaies des pays émergents, car la conjoncture est caractérisée par une solide croissance de l’économie, une hausse des prix des produits de base et un appétit pour le risque. Ce contexte correspond fortement à notre prévision selon laquelle les devises cycliques continueront de damer le pion au dollar américain pendant quelques années.
- Troisièmement, nous observons la tendance du contexte à se modifier conformément aux conditions économiques. À mesure que la croissance économique continue de se rétablir et que les pressions inflationnistes s’accroissent, nous devrions constater une transition vers le régime 2, étant donné que les taux réels commenceront à grimper, suivie d’une transition vers le régime 3, à mesure que le relèvement des taux d’intérêt par la Fed aura pour effet d’estomper les attentes inflationnistes. Enfin, la rotation entre les quatre régimes sera complétée plus tard au cours du cycle économique, lorsque la croissance économique s’atténuera et que les taux seront abaissés. Une transition éventuelle vers le régime 3 nous inciterait à réévaluer nos perspectives, mais nous sommes convaincus que les taux réels restent plafonnés pour l’instant par une série de facteurs, notamment le taux directeur de la Fed, les programmes d’assouplissement quantitatif et l’abondance des liquidités à l’échelle mondiale.
Monnaies des marchés émergents
La conjoncture actuelle est proche d’une conjoncture idéale pour les monnaies des pays émergents. La dépréciation du dollar, le solide appétit pour le risque et la fermeté des prix des produits de base favorisent tous l’appréciation des monnaies des pays émergents, tout comme l’évolution des politiques budgétaires et monétaires. Les politiques budgétaires et monétaires restent exceptionnellement expansionnistes dans les pays développés, malgré le redressement des principales économies de la planète. Les prêts bon marché et les chèques de soutien, combinés à la tendance vers les dépenses en ligne font que les économies des pays émergents connaissent un boom des exportations qui contrebalance largement la baisse des revenus provenant du tourisme. L’amélioration des soldes des comptes courants qui en a résulté (figure 4) au cours de la dernière année a réduit leur dépendance aux emprunts à court terme et fait que les pays émergents sont en meilleure posture pour faire face à la menace d’une augmentation des taux des titres du Trésor. De plus, de nombreux pays émergents ont fait preuve d’une prudence relative en ce qui concerne leurs dépenses en réaction à la pandémie, ils se sont dotés d’importantes réserves de change et leur niveau d’endettement est gérable. Par ailleurs, les monnaies des pays émergents restent sous-évaluées (figure 5). Deux autres facteurs pourraient contribuer à l’appréciation accrue des monnaies des pays émergents cette année :
Figure 4 : Les positions extérieures des ME sont plus solides
Figure 5 : Les devises des marchés émergents demeurent sous-évaluées
- Les autorités de plusieurs pays émergents ont déjà resserré leur politique monétaire ou ont fait part de leur intention de le faire. Les banques centrales de la Russie, de la Turquie (avant l’intervention du président Erdogan) et du Brésil avaient relevé leurs taux au début de l’année, et les investisseurs s’attendent à ce que la Hongrie, la Colombie et la Corée du Sud, entre autres, leur emboîtent le pas. Les hausses des taux d’intérêt favorisent ces monnaies, car elles attirent les flux de capitaux.
- Les dirigeants chinois semblent disposés à laisser le renminbi s’apprécier. Cette monnaie a atteint de nouveaux sommets par rapport au billet vert, mais aussi face à un panier de devises de partenaires commerciaux mesuré par la banque centrale chinoise. L’appréciation du renminbi est devenue un baromètre de la performance d’autres monnaies de pays émergents, en particulier ceux d’Asie.
Les monnaies des pays émergents ont damé le pion à celles des pays développés cette année, et nous nous attendons à ce que cette tendance se poursuive. Cependant, le choix des monnaies dans lesquelles investir revêt une importance croissante en raison de facteurs propres aux pays qui jouent un rôle plus important dans les fluctuations des devises. Les événements politiques, les taux de vaccination contre la COVID-19 et l’exposition aux exportations de produits de base joueront tous un rôle au moment de déterminer quelles monnaies se démarqueront le plus au cours de la prochaine année.
Dollar canadien
Le huard a beaucoup à offrir ces jours-ci : il s’est apprécié de 5 % cette année et se classe parmi les devises les plus performantes au monde en 2021. Ce qui rend le dollar canadien particulièrement attrayant est sa sensibilité aux marchandises, qui sont liées à la croissance économique mondiale, notamment à la forte reprise aux États-Unis. Non seulement les mesures d’aide financière du président Biden suscitent l’optimisme des entreprises et des consommateurs canadiens, mais elles offrent également un potentiel de hausse plus soutenue des exportations. Les indices des prix des exportations canadiennes ont augmenté de 60 % depuis la fin de 2019 (figure 6), et davantage d’exportateurs qu’on pourrait le croire en tirent parti. Selon Deutsche Bank, les prix du pétrole représentent une fraction de la hausse de l’ensemble des prix à l’exportation au cours de l’année écoulée. Les prix du bois d’œuvre, qui ont plus que triplé au cours de la dernière année, ont le plus contribué aux gains globaux, tandis qu’une foule d’autres métaux et de produits énergétiques et agricoles ont aussi connu une hausse considérable. Nous avons souvent indiqué que les importants déficits du compte courant du Canada étaient défavorables au huard, mais cet obstacle semble s’estomper grâce à l’amélioration des exportations et à la réduction des dépenses des Canadiens à l’étranger attribuable à la suspension des voyages internationaux. Une coopération accrue avec les États-Unis sur les questions commerciales et géopolitiques devrait se traduire par une amélioration supplémentaire du compte courant canadien, tout comme plusieurs des politiques environnementales, réglementaires et du marché du travail proposées par M. Biden, qui pourraient contribuer à rétablir la compétitivité du Canada en matière d’exportation par rapport à son principal partenaire commercial.
Figure 6 : Les prix à l’exportation sont en hausse au Canada
L’économie intérieure est également solide. Grâce à l’aide au revenu liée à la pandémie, à la hausse rapide des prix des maisons, aux dépenses publiques canadiennes et à la reprise du marché du travail qui surpasse celle aux États-Unis (figure 7), le Canada est en voie de combler son écart de production – le niveau maximal de production qui peut être maintenu sans inflation excessive – plus tôt que la plupart des autres économies développées (figure 8). L’accélération des campagnes de vaccination contre la COVID-19 a aussi donné un coup de pouce au huard et devrait permettre de lever certaines restrictions maintenant que le Canada a rattrapé les États-Unis et le Royaume-Uni en ce qui concerne la proportion de personnes ayant reçu au moins une dose (figure 9).
Figure 7 : Le redressement de l’emploi au Canada surpasse celui aux États-Unis
Figure 8 : L’écart de production du Canada devrait se refermer d’ici 2022
Figure 9 : Proportion de personnes ayant reçu au moins une dose
Les tendances commerciales favorables, l’amélioration de l’activité intérieure et la perspective d’assouplissement des mesures de confinement ont incité la Banque du Canada (BdC) à hausser considérablement ses prévisions de croissance économique pour 2021. Les attentes de la BdC à l’égard de l’inflation cette année ont également été revues à la hausse, ce qui a accru les rumeurs selon lesquelles la banque centrale est plus encline à un resserrement global de la politique monétaire. La BdC a déjà amorcé le processus de réduction de ses achats d’obligations, qui passeront de 5 milliards de dollars par semaine à 3 milliards de dollars, et on s’attend généralement à ce que les hausses de taux au Canada surviennent plus tôt que dans les autres grandes économies (figure 10). Les changements de politique de la BdC, conjugués à la sensibilité du Canada à la croissance économique mondiale, contribuent à la vigueur des flux de portefeuille étrangers vers les actions et les obligations. Il se pourrait, à moins que les prix des marchandises ne connaissent un autre bond important, que l’appréciation du huard ralentisse à court terme à l’approche de l’important niveau technique de 1,20 $ CA par dollar américain. Toutefois, sur une période de 12 mois, nous croyons que le dollar canadien pourrait se raffermir. Nous révisons donc notre scénario de référence à 1,15 $ CA par dollar américain maintenant que notre prévision précédente a presque été atteinte.
Figure 10 : Attentes à l’égard d’une hausse des taux par les banques centrales du G10
Euro
Le pessimisme entourant les actifs européens et le déclin de l’euro au cours des premiers mois de 2021 est attribuable en grande partie au rythme plus lent des campagnes de vaccination et aux confinements qui en ont découlé en Europe continentale. Cette situation s’est largement améliorée, ce qui explique en partie pourquoi la monnaie unique a rebondi en avril et en mai. Soulignons toutefois que les différences en matière de taux de vaccination et de confinements sont des facteurs temporaires qui ne devraient pas entraîner de changements significatifs dans l’évaluation à long terme des devises. À l’instar des autres régions, la zone euro surmontera la pandémie, peut-être avec des niveaux d’endettement accrus, mais sans trop de dommages durables à la capacité de production. En fait, les pays européens ont été parmi ceux qui ont le plus utilisé les subventions salariales et les mesures de maintien de l’emploi pour permettre aux gens de conserver leur emploi et éviter la perte de compétences des travailleurs.
La tenue supérieure de l’économie américaine qui a stimulé le billet vert au début de l’année était également temporaire, en ce sens qu’elle découlait en partie d’un soutien budgétaire plus important aux États-Unis qu’en Europe et dans la plupart des autres pays développés. Il semble que cette situation pourrait s’inverser au cours des prochains trimestres, en raison d’une hausse des dépenses budgétaires en Europe. Dans la même veine, les élections allemandes de septembre seront importantes, car la baisse de popularité du parti politique d’Angela Merkel (figure 11), qui favorise un conservatisme fiscal, signifie probablement qu’un partenaire de coalition plus souple sur le plan financier sera requis à la tête du pays, ce qui pourrait ouvrir la voie à un soutien budgétaire accru sur l’ensemble du continent. La plupart des économistes s’attendent à ce que l’économie de la zone euro connaisse une croissance plus rapide que celle de ses pairs à compter du début de 2022, un puissant attrait pour les entrées de capitaux et un net avantage pour la monnaie.
Figure 11 : L’appui à l’égard de la coalition CDU/CSU de Mme Merkel diminue
Deux autres événements survenus au cours du trimestre ont également amélioré les perspectives pour l’euro :
- La Cour constitutionnelle allemande a rejeté les objections juridiques à la création d’un fonds de relance de l’UE de 750 milliards d’euros, ce qui nous rapproche d’une ratification et d’une affectation de fonds aux nations européennes pour qu’elles surmontent l’impact économique de la pandémie.
- La réticence apparente de la secrétaire au Trésor des États-Unis, Janet Yellen, à cibler les manipulateurs de devises laisse croire que nous pourrions assister à davantage d’interventions sur les marchés de change, surtout de la part des banques centrales asiatiques les plus actives. La croissance des réserves mondiales de change est généralement positive pour l’euro, car elle s’accompagne d’une diversification au détriment du billet vert et en faveur de la devise unique.
Le prochain niveau surveillé par les négociateurs est un taux de change de 1,25 $ US par euro, qui pourrait freiner l’appréciation à court terme. Sur un horizon un peu plus long, toutefois, nous pensons que l’euro pourrait atteindre 1,30 $ US au cours des 12 prochains mois.
Livre sterling
L’optimisme des entreprises et la confiance des consommateurs ont augmenté au Royaume-Uni, sans doute du fait de la diminution de l’incertitude entourant les résultats du Brexit, des économies substantielles accumulées pendant la pandémie et de l’efficacité des campagnes de vaccination. Les investissements des entreprises devraient favoriser la croissance du Royaume-Uni, et le pays bénéficierait plus que les autres d’un rebond des ventes au détail, compte tenu de la part importante de la consommation dans l’économie britannique.
Toutefois, la livre s’est déjà fortement appréciée au cours des derniers mois et, à plus de 1,40 $ US, semble avoir devancé ses données fondamentales. Un des risques que nous surveillons est la possibilité d’une marche de l’Écosse vers l’indépendance. Le Parti national écossais s’est engagé à tenir un nouveau référendum au cours de la première moitié de son mandat de cinq ans et les sondages montrent que la population reste divisée sur la question de l’indépendance (figure 12). L’Écosse est importante en raison de sa production pétrolière considérable, sans laquelle le déficit du compte courant du Royaume-Uni s’accentuerait d’environ 2 % du PIB (figure 13). Nous croyons que la livre se maintiendra par rapport à un dollar américain en baisse, mais qu’elle cédera probablement du terrain face aux autres devises de marchés développés. Notre prévision sur 12 mois table sur un cours de 1,40 $ US par livre.
Figure 12 : Sondage sur la tenue d’un référendum en Écosse
Figure 13 : L’indépendance de l’Écosse pourrait entraîner un déficit commercial plus important au Royaume-Uni
Japon
Le yen a dû surmonter un certain nombre d’obstacles cette année. Parmi eux figurent une hausse tenace du nombre de cas de COVID-19 et les restrictions à la mobilité qui en ont découlé dans les principales agglomérations, dont Tokyo. Une possible annulation des Jeux olympiques d’été est plus lourde de conséquences, et aurait une incidence disproportionnée sur le secteur des services au Japon. Selon Bloomberg, un abandon de dernière minute des Jeux effacerait la majeure partie de la croissance économique prévue pour le pays cette année.
Le yen a été la devise du G10 qui a affiché le pire rendement cette année, en raison du rétablissement de son lien avec la hausse des taux des obligations du Trésor (figure 14). Ce lien devrait s’atténuer à l’avenir, alors que la volatilité du taux des obligations américaines à dix ans diminuera. Parmi les autres facteurs qui soutiennent le yen, mentionnons sa faible valorisation, l’amélioration de la balance des paiements du Japon et les positions vendeur importantes sur le yen, qui, selon nous, seront restreintes à mesure que le dollar américain fléchira. Les taux corrigés de l’inflation offerts au Japon pourraient aussi attirer des capitaux ou freiner les sorties de fonds, puisqu’ils sont plus élevés que dans tout autre pays du G10 compte tenu de la faiblesse persistante du taux d’inflation au pays (figure 15).
Figure 14 : Le yen évolue en parallèle avec les taux obligataires aux États-Unis
Figure 15 : Le Japon offre le taux corrigé de l’inflation le plus élevé parmi les pays développés
Nous demeurons optimistes à l’égard du yen, mais nous avons appris à ne pas nous emballer outre mesure au sujet de la perspective d’une forte appréciation de la monnaie. Durant cette phase de faiblesse du dollar américain, ce sont les devises cycliques qui devraient surpasser les monnaies de financement traditionnelles, comme le yen et le franc suisse. Nous limitons donc nos prévisions pour les 12 prochains mois à 103 yens par dollar américain.
Conclusion
Jusqu’à présent, l’année a été marquée par deux trimestres très différents : au premier, le dollar américain a été vigoureux et au deuxième, il s’est replié. Nous nous attendons à ce que la faiblesse du dollar prévale. Le marché baissier du dollar américain n’a débuté que l’an dernier et se poursuivra encore quelques années. Si les monnaies évoluent en fonction de cycles qui les font passer de surévaluées à sous-évaluées, le dollar demeure néanmoins solide, malgré la faiblesse qu’il a montrée au cours des 12 derniers mois. Les mesures de stimulation monétaire et budgétaire mises en place par les États-Unis n’entravent pas la tendance à la baisse, mais au contraire la favorisent. Les périodes de vigueur cyclique, comme celle observée lors du premier trimestre, qu’elles soient attribuables aux taux réels aux États-Unis ou à la faiblesse de l’économie en Europe, sont une bonne occasion pour structurer les portefeuilles en prévision de nouvelles baisses du dollar américain. Les premiers stades d’un marché baissier du billet vert favorisent toutes les monnaies, mais les monnaies cycliques, comme le dollar canadien, profitent le plus de la reprise économique mondiale en cours. Globalement, les devises des marchés émergents devraient aussi continuer de s’apprécier, mais l’examen des risques particuliers est nécessaire afin d’éviter la contre-performance de certaines monnaies.