Le dollar américain s’est maintenu dans une fourchette étroite de 4 % au cours des cinq premiers mois de 2023, ce qui, selon nous, constituera une pause dans la liquidation à long terme de la devise. Les récentes faillites de banques régionales aux États-Unis, conjuguées aux tendances monétaires et budgétaires, renforcent notre opinion selon laquelle le dollar s’affaiblira. Cette prévision pourrait toutefois être révisée, étant donné que l’économie américaine est demeurée plus résiliente que les autres à l’échelle mondiale. Nous maintenons notre prévision d’une chute du billet vert au cours de la prochaine année et nous attendons à ce que son repli soit plus marqué que nous ne l’avions prévu au dernier trimestre.
Ce n’est un secret pour personne que le dollar américain est cher. La devise s’est raffermie de 53 % entre 2011 et 2022 sur une base pondérée en fonction des échanges. Cette période de hausse du dollar américain a été la plus longue depuis la fin de la convertibilité dollar-or au début des années 1970 (figure 1). Cette montée du dollar américain s’est prolongée, d’abord soutenue par la pandémie, puis par la campagne de la Réserve fédérale américaine (Fed) visant à juguler l’inflation par le biais de hausses de taux d’intérêt. À notre avis, maintenant que la pandémie et les hausses de taux de la Fed sont globalement derrière nous, les investisseurs semblent se faire à l’idée que le dollar pourrait finalement succomber sous son propre poids. Malgré son déclin de 7 % depuis octobre, le billet vert demeure surévalué de plus de 20 % sur la base de la parité de pouvoir d’achat (figure 2), et cette surévaluation extrême se reflète dans la plupart des modèles. L’histoire montre que la devise tend à sauter d’une valeur extrême à l’autre sans vraiment faire de pause entre les deux. La comparaison entre le déclin actuel et ceux qui ont débuté en 1985 et en 2002 donne une idée de l’effondrement du dollar qui pourrait encore se produire au cours des prochaines années (figure 3).
Figure 1 : Dollar américain pondéré en fonction des échanges commerciaux
Nota : Au 19 mai 2023. Sources : Bloomberg, Réserve fédérale américaine, RBC GMA
Figure 2 : Dollar américain pondéré en fonction des échanges commerciaux
Évaluation selon la PPA
Nota : Utilisation du nouvel indice USD de la Fed à compter du 31 déc. 2019 (indice USTWAFE). Au 19 mai 2023. Sources : Réserve fédérale américaine, Bloomberg, RBC GMA
Figure 3 : La valeur du dollar américain pourrait encore diminuer considérablement
Nota : Au 21 mai 2023. Utilisation de l’indice USTWAFE. Sources : Bloomberg, RBC GMA
La valorisation n’est pas le seul facteur suggérant un dollar plus faible, de même que les perspectives négatives ne sont pas uniquement liées aux profonds déficits du budget et du compte courant. D’autres facteurs ont pesé sur le billet vert, notamment :
Les données économiques de l’Europe se sont améliorées pendant la majeure partie du printemps, et il ne fait aucun doute que la chute des prix de l’énergie, qui s’explique en grande partie par une météo plus clémente et de larges stocks de gaz naturel, a largement contribué à ce redressement.
L’avantage des taux d’intérêt américains par rapport à ceux de la zone euro s’est amenuisé depuis que la Banque centrale européenne (BCE) a commencé à hausser vigoureusement ses taux, et selon les prévisions, la BCE devrait dépasser la Fed au cours des six prochains mois. La Banque d’Angleterre est également restée relativement ferme.
Les difficultés touchant les banques régionales américaines pourraient ralentir l’activité économique aux États-Unis, étant donné que les prêts aux ménages et aux sociétés s’en trouvent limités. Il semble que ce problème touche principalement les États-Unis, car de manière générale les banques du monde entier sont en meilleure forme.
Les préoccupations liées au plafond de la dette mettent en lumière les déséquilibres budgétaires des États-Unis, en plus d’un paysage politique divisé qui entrave l’élaboration de politiques rigoureuses.
Ces facteurs ont entraîné une baisse sensible de la confiance envers le dollar, depuis la fin de l’année dernière, avec de plus en plus de commentaires négatifs de la part de la presse et des banques d’investissement mondiales. Les investisseurs, qui votent par le biais de leur portefeuille, ont récemment poussé l’euro à plus de 1,10 $ US, le Bitcoin à 30 000 $ US et l’or au-delà de 2 000 $ US l’once. Cet affaiblissement du dollar a été contredit par un léger rebond en mai, mais nous ne pensons pas que ce rebond modifie la trajectoire du dollar à long terme. Nous observons que les capitaux continuent de sortir des États-Unis pour entrer en Europe, comme en témoignent les statistiques sur la balance des paiements de la zone euro et les achats de FNB d’actions européennes par les investisseurs américains (figures 4 et 5).
Figure 4 : Les capitaux continuent d’affluer vers l’Europe
Nota : Au 31 mars 2023. Sources : BCE, RBC GAM
Figure 5 : L’euro profite des flux de capitaux dans les FNB
Nota : Au 26 mai 2023. Données des cinq FNB suivants : VGK, EZU, FEZ, EWG et IEV. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Dédollarisation
Le changement d’attitude à l’égard du dollar américain s’est généralisé, et le terme « dédollarisation » a gagné en popularité. Le terme désigne l’abandon progressif du billet vert en tant que principale devise utilisée dans le commerce international et l’investissement mondial. La Chine, qui est uniquement devancée par les États-Unis en tant que plus grande économie mondiale, est en train de positionner le renminbi comme un remplacement du dollar. Pour ce faire, elle travaille à élaborer son propre système financier, assouplit le contrôle des devises et facilite l’accès à ses marchés obligataires et boursiers pour les investisseurs internationaux. Les avancées dans cette direction prennent du temps – il faut généralement des décennies pour voir émerger une nouvelle monnaie de réserve –, mais l’information selon laquelle certains échanges de pétrole sont actuellement négociés en renminbi suggère que le processus est amorcé.
La croyance selon laquelle la dédollarisation a accéléré est confortée par ces nouvelles :
Les sanctions du G7 de l’an dernier, qui empêchent la plupart des institutions russes d’utiliser les systèmes de paiement basés sur le dollar américain, et le gel d’une grande partie des réserves de change mondiales de la Russie. Ces sanctions ont fait suite à des initiatives similaires destinées à isoler l’Iran, il y a quelques années, lorsque le pays a entrepris d’accélérer le développement de ses armes nucléaires. Les mesures visant à militariser le dollar inquiètent les grands détenteurs de réserves de change, et expliquent en partie pourquoi la Chine a développé son système de paiement parallèle.
La nouvelle que le Brésil et l’Argentine cherchent à abandonner le dollar dans le cadre de leur propre commerce bilatéral. On ne sait pas exactement comment ce type d’entente pourrait fonctionner, étant donné qu’aucune devise latino-américaine ne semble être un candidat viable pour le règlement des opérations. Cependant, il est concevable que le renminbi chinois soit utilisé à cette fin en Asie. Le renforcement des liens commerciaux entre les pays asiatiques, ainsi que les réserves de change colossales dont dispose la région impliquent que les progrès réalisés sur ce front auront un impact sur les marchés des changes.
Érosion de la confiance dans le dollar américain en tant que réserve de valeur. Certains investisseurs se demandent si le billet vert mérite d’être la principale devise à la base du système financier mondial, compte tenu des lourds déficits budgétaires du pays, partiellement comblés par les achats d’obligations de la Fed, et de la dépendance croissante à l’égard des créanciers internationaux.
La multitude de preuves que le dollar américain perd progressivement de son attrait, par exemple le rapport trimestriel du FMI qui montre que la part du dollar a reculé dans les réserves de change mondiales (figure 6). La chute de la part du dollar dans les réserves coïncide avec le développement du marché obligataire européen en monnaie unique, qui représente un remplacement viable.
Figure 6 : La part des réserves mondiales en dollars américains continue de chuter
Nota : Au 31 décembre 2022. Sources : FMI, RBC GMA
Il ne fait aucun doute que ce repli constitue une menace à long terme pour le billet vert, mais en réalité, le dollar devrait conserver son premier rang dans les réserves mondiales pendant de nombreuses années. Aucun autre pays n’offre en même temps les avantages liés à la libre circulation des capitaux, à l’état de droit, à la profondeur des marchés financiers et au déficit structurel du compte courant. La position du billet vert est si solide que les exportateurs et les importateurs doivent encore utiliser le dollar américain en tant que devise intermédiaire pour facturer les opérations et effectuer les paiements dans leurs monnaies respectives. La Banque des règlements internationaux signale que 88 % de toutes les opérations en devises impliquent le billet vert. Quoi qu’il en soit, il semble que le thème de la dédollarisation ait entraîné une faiblesse à court terme. Cela dit, nous pensons que ce problème du billet vert se prolongera à long terme et qu’il pourrait persister aussi bien pendant les tendances haussières que les tendances baissières du dollar américain.
Marchés émergents
À notre avis, la plupart des devises des marchés émergents continueront de s’apprécier par rapport au dollar, mais peut-être moins que lors des derniers trimestres. Depuis le sommet atteint par le dollar en octobre, toutes les devises ont profité de la faiblesse du dollar américain, et particulièrement celles des marchés émergents (figure 7). Certaines devises des marchés émergents ont affiché des rendements supérieurs de 20 % au cours de la dernière année, en particulier les devises cycliques à rendement élevé telles que le peso mexicain et le forint hongrois. On ne peut pas en dire autant des monnaies du G10, où les devises cycliques norvégienne, canadienne et australienne figurent parmi les plus faibles du monde.
Figure 7 : Toutes les devises profitent de la faiblesse du dollar américain
Nota : Au 26 mai 2023. Données depuis le 21 octobre 2022. Sources : Bloomberg, RBC GMA
L’une des raisons pour lesquelles les monnaies des marchés émergents se sont si bien comportées est que leurs banques centrales ont devancé la Fed pour augmenter les taux d’intérêt lorsque l’inflation a commencé à flamber, et qu’elles ont été plus énergiques dans leur processus. Il existe une relation claire entre le niveau des taux et le rendement des devises, notamment en raison des flux de capitaux attirés par les taux plus élevés (figure 8). Cette relation est particulièrement forte pendant les périodes où l’appétit pour le risque est stable et la volatilité faible, lorsque les négociateurs attribuent une faible probabilité à la dépréciation de la devise qui compenserait les rendements plus élevés obtenus en investissant dans la devise en question.
Figure 8 : Forte corrélation entre les taux et le rendement des devises
Nota : Au 26 mai 2023. Sources : Goldman Sachs, Bloomberg, RBC GMA
Cela dit, nous sommes particulièrement attentifs à la réaction des banques centrales à mesure que l’inflation commence à reculer (figure 9). Jusqu’à présent, les autorités monétaires ont gagné en crédibilité en maintenant une politique stricte, mais quelques-unes ont laissé entendre que des baisses de taux d’intérêt se profilaient, y compris dans des pays où persiste une inflation à deux chiffres. La plupart des banques centrales des marchés émergents ne sont pas aussi indépendantes que celles des marchés développés, et les politiciens exercent une influence grandissante pour qu’elles assouplissent leurs politiques au bénéfice de la croissance économique, même si cela implique une inflation plus élevée. Nous sommes donc plus prudents à l’égard des devises des marchés émergents, car les valorisations deviennent moins attrayantes (elles sont encore basses, mais moins) tandis que la crédibilité politique durement gagnée est maintenant menacée.
Figure 9 : Importante fonction de réaction des banques centrales au moment où l’inflation commence à baisser
Nota : Au 30 avril 2023. Sources : Macrobond, RBC GMA
L’euro
L’euro s’est globalement maintenu dans une fourchette de 1,05 $ US à 1,10 $ US cette année, soit l’une des fourchettes les plus étroites jamais enregistrées (figure 10), et nous croyons que l’euro se stabilisera à un moment donné dans le haut de cette fourchette. Nos prévisions quant aux gains de l’euro s’appuient sur des facteurs qui vont au-delà de la faiblesse globale du dollar. Cette opinion est également fondée sur une convergence des taux d’intérêt à court terme entre les régions, puisque la BCE continue d’augmenter les taux alors que la Fed reste en pause. Les décideurs européens devraient être particulièrement motivés pour resserrer leurs politiques, étant donné que dans cette région, la puissance des syndicats rend plus difficile de ralentir la croissance des salaires – l’une des principales causes de l’inflation. Du fait que les écarts sur les obligations des pays du sud de l’Europe sont bien maîtrisés et que les banques européennes ne sont pas confrontées à la fuite des dépôts qui frappe les banques américaines, la BCE peut se permettre de persévérer dans les hausses de taux.
Figure 10 : L’euro évolue dans sa fourchette la plus étroite jamais enregistrée
Nota : Au 26 mai 2023. Sources : Deutsche Bank Research, Bloomberg, RBC GMA
Jusqu’à présent, la croissance s’est montrée étonnamment soutenue en Europe, principalement en raison de la chute des prix de l’énergie et de l’utilisation de l’instrument d’aide d’urgence de 723 milliards d’euros mis en place dans la région pour faire face à la pandémie, bien que les données économiques se soient quelque peu essoufflées en mai. La baisse des prix de l’énergie, la stabilité du secteur bancaire et la hausse des taux d’intérêt ont suscité l’intérêt des investisseurs étrangers pour les actifs européens. Malgré leurs rendements supérieurs de ces derniers temps, les actions européennes restent bon marché et leur sous-valorisation est amplifiée par le fait que l’euro se négocie bien au-dessous de sa juste valeur. Au vu de cette migration des capitaux mondiaux vers l’Europe, nous pensons que l’euro pourrait atteindre 1,20 $ US dans les 12 prochains mois.
Le yen
Le yen a chuté de 7 % depuis le début de l’année. Il existe toujours une forte relation entre la devise japonaise et les différences dans les rendements obligataires. Du fait que les taux d’intérêt américains demeurent élevés et que la Banque du Japon plafonne les taux, le yen tire de l’arrière par rapport à ses pairs. L’espoir que la Banque du Japon autorise une hausse des taux d’intérêt à long terme a été anéanti lorsque le nouveau gouverneur Kazuo Ueda s’est montré fidèle à la politique de son prédécesseur visant à maintenir des taux d’intérêt bas. La plupart des négociateurs prévoient que la Banque du Japon laissera remonter ses taux d’intérêt plus tard dans l’année. L’annonce de mesures de relance budgétaire de la part du gouvernement pourrait permettre à la Banque du Japon de resserrer sa politique encore plus tôt.
D’autres facteurs favorables au yen devraient être mis en lumière cette année :
Les grandes sociétés d’assurance vie japonaises se tournent vers les actifs nationaux, au détriment des actifs étrangers, et au cours de la liquidation des actifs étrangers elles convertissent au moins une partie du produit en yens. Tous les actifs étrangers liquidés ne sont pas couverts contre le risque de change. Par conséquent, cette transition entraîne une demande réelle pour le yen japonais.
La demande de monnaies refuges comme le yen se renforcerait probablement si l’économie mondiale se détériorait plus que prévu.
L’intervention du ministère des Finances au regard de la devise, qui est devenue plus pertinente à présent que le yen retrouve les niveaux auxquels les autorités l’avaient soutenu la dernière fois. (figure 11)
Figure 11 : Le yen se déprécie pour revenir à un niveau environnant les interventions de 2022
Nota : Au 26 mai 2023. Sources : Macrobond, RBC GMA
L’excédent du compte courant du Japon, généralement positif et élevé.
Une sous-valorisation importante.
Les positions vendeur sur le yen sont plus élevées que prévu, compte tenu des perspectives négatives pour le dollar américain.
Nous prévoyons une appréciation importante de la devise, qui pourrait passer de 140 à 116 yens par dollar américain. La progression du yen que nous anticipons pour l’année à venir repose en grande partie sur le changement de politique que nous attendons de la part de la Banque du Japon, mais la devise devrait aussi profiter de la fin du cycle de hausse des taux de la Fed et de la baisse globale du dollar.
Livre sterling
Contrairement à nos attentes, la livre sterling a été l’une des devises du G10 les plus performantes depuis que le dollar a culminé à l’automne dernier, mais nous doutons que la livre sterling continue de surpasser ses pairs, même si elle parvenait à s’apprécier par rapport au dollar américain. À court terme, la force de la livre semble excessive (figure 12). La devise pourrait être stimulée par un effet de saisonnalité en avril, ce mois étant traditionnellement le plus favorable à la devise, et par l’inflation supérieure aux prévisions, qui pousse les investisseurs à anticiper davantage de hausses de taux de la part de la Banque d’Angleterre. À plus long terme, l’inflation élevée du Royaume-Uni est problématique, car l’économie (la seule du G7 dont le PIB n’a pas récupéré les niveaux d’avant la COVID-19) pâtira du niveau élevé des taux d’intérêt requis pour juguler les prix. La hausse des taux pourrait en fait se prolonger, car la Banque d’Angleterre, au cours des dernières décennies, s’est forgé une réputation de tolérance à l’égard d’un niveau moyen d’inflation plus élevé que celui des autres grandes économies. Nous prévoyons que la livre obtiendra un rendement inférieur à celui de la plupart de ses pairs du G10, et que la devise ne progressera que légèrement par rapport au dollar américain, soit jusqu’à 1,30 $ US.
Figure 12 : La livre semble tendue
Nota : Au 26 mai 2023. Sources : Bank of America, Macrobond, RBC GMA
Le dollar canadien
Nous croyons que le dollar canadien s’appréciera par rapport à son homologue américain au cours de la prochaine année, mais nous avons quelque peu tempéré nos perspectives. Cette baisse d’optimisme reflète les préoccupations concernant l’incidence de la hausse des taux d’intérêt et la grande sensibilité du Canada au ralentissement de l’économie américaine (figure 13). Force est d’admettre que l’économie canadienne est restée remarquablement stable au cours des derniers mois, malgré la crainte d’une baisse des prix de l’immobilier au Canada et d’un ralentissement économique aux États-Unis. Le marché de l’emploi demeure vigoureux au Canada et la confiance des consommateurs a rebondi par rapport au creux de 2022, mais les exportations et l’activité industrielle ont commencé à donner des signes de faiblesse.
Figure 13 : Le ralentissement de la croissance aux États-Unis pèse sur l’économie canadienne
Nota : Au 30 avril 2023. Sources : Credit Suisse, Macrobond, RBC GMA
Malgré cette faiblesse, nous croyons que la Banque du Canada fera preuve de vigilance à l’égard de l’inflation et qu’elle maintiendra les taux à un niveau capable de soutenir le huard plus tard dans l’année. Au début de 2023, la Banque du Canada a décidé de maintenir les taux stables pendant un certain temps, à la différence de la Fed qui prévoyait des hausses continues. Toutefois, les cycles précédents ont montré que la banque centrale des États-Unis a tendance à hausser les taux d’intérêt à des niveaux trop restrictifs, et qu’elle est ensuite forcée de les réduire rapidement lorsque l’économie fléchit, ce qui est inévitable. En ce sens, la Banque du Canada semble plus prudente, d’autant plus que la Fed compte maintenir les hausses de taux malgré le contexte de crise bancaire et l’incertitude liée au plafond de la dette.
Parmi les facteurs positifs pour le huard, nous pouvons noter l’immigration vigoureuse (un million de nouveaux Canadiens en 2022), la bonne santé du secteur bancaire, les solides prix des marchandises et, selon nous, la tendance à la baisse du dollar américain. Le dollar canadien se maintient entre 1,32 $ et 1,40 $ depuis l’automne dernier, oscillant dans cette fourchette, même si le dollar américain s’est affaibli par rapport à la plupart des autres grandes devises (figure 14). Une partie de cette contre-performance du dollar canadien découle des préoccupations entourant le marché immobilier et le fort endettement des ménages, qui ont incité les investisseurs, en particulier ceux de l’étranger, à spéculer sur le déclin de la devise. Nous attendons une appréciation du huard à 1,26 $ par dollar américain au cours des 12 prochains mois, alors que les investisseurs continuent de faire reculer le billet vert et que les craintes s’apaisent en ce qui concerne la baisse du marché immobilier canadien.
Figure 14 : Le huard évolue dans une fourchette étroite
Nota : Au 30 avril 2023. Sources : Credit Suisse, Macrobond, RBC GMA
Conclusion
Le dollar américain a perdu du terrain par rapport à toutes les devises du G10 et à celles des marchés émergents depuis son sommet d’octobre dernier. Selon nous, le dollar pourrait chuter de façon significative au cours des prochaines années, et plusieurs nouvelles considérations confortent notre opinion négative à l’égard du billet vert. En plus de la surévaluation du dollar et de la forte dépendance du pays au financement étranger, les controverses sur le plafond de la dette et les récentes faillites bancaires mettent en lumière des problèmes propres aux États-Unis qui pourraient continuer de faire baisser le billet vert au cours des prochaines années. Les devises des marchés émergents à rendement élevé ont affiché la plus forte hausse en cette période de faiblesse du dollar américain, mais ce rendement supérieur pourrait rapidement s’inverser si les banques centrales des marchés émergents réduisaient leurs taux à titre de prévention.
Parmi les marchés développés, nous pensons que le yen a les plus grandes perspectives de progression, car il a récemment chuté aux niveaux qui ont forcé la Banque du Japon à intervenir l’année dernière. Nous avons relevé de 1,18 $ US à 1,20 $ US nos prévisions pour l’euro ce trimestre, du fait que les données économiques fondamentales de l’Europe se redressent et que la monnaie unique demeure un grand bénéficiaire de la faiblesse du dollar américain. Par ailleurs, nous avons modéré notre optimisme à l’égard du huard en modifiant nos prévisions de 1,23 $ à 1,26 $, en raison de l’effet éventuel du ralentissement de la croissance économique aux États-Unis. Enfin, nous demeurons relativement optimistes au sujet de la livre qui devrait se raffermir par rapport au dollar, mais tout en restant à la traîne par rapport à ses autres pairs.
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