La progression de l’économie affichée depuis le mois de mars 2020 a principalement été le fait des vastes programmes de stimulation monétaire et budgétaire, qui ont offert des paiements d’aide aux entreprises et aux particuliers et stimulé l’activité au début de la pandémie. Comme les campagnes de vaccination vont bon train et que la plus grande partie des activités a repris dans certaines régions, les mesures de soutien seront probablement réduites. La réduction progressive des chèques gouvernementaux aux particuliers risque de freiner les dépenses de consommation et d’entraîner un ralentissement de la croissance économique. Il est bien possible que la bonne situation financière des ménages ait l’effet inverse. En effet, les sommes importantes que les ménages ont mises de côté au cours des périodes de confinement peu propices aux dépenses pourraient finir par être injectées dans l’économie. Le lancement de programmes gouvernementaux de dépenses en infrastructure pourrait aussi apporter un soutien à l’économie.
Bien que la situation sanitaire s’améliore constamment et que les taux d’hospitalisation et de mortalité diminuent, la COVID-19 demeure un facteur de risque important pour les perspectives. Les campagnes de vaccination progressent, mais leur rythme a ralenti, et le variant Delta se propage rapidement. Dans l’ensemble, la reprise économique demeure vigoureuse, quoiqu’elle se situe peut-être près de son rythme maximal. Nous nous attendons toujours à ce que les taux de croissance demeurent bien supérieurs à la moyenne en 2021 et en 2022. Toutefois, nos prévisions ne se situent plus au-dessus de la moyenne des prévisions du fait, principalement, de l’augmentation importante de la croissance prévue par les économistes (figure 1).
Figure 1 : PIB réel moyen pondéré selon les prévisions générales
Prévisions de croissance des principaux pays développés
L’inflation augmente, mais de façon inégale
La hausse de la demande, les contraintes auxquelles sont soumises les chaînes logistiques et les restrictions imposées à certaines activités entraînent des écarts de prix dans certains secteurs de l’économie. Par exemple, le coût des voitures d’occasion et des billets d’avion ainsi que le coût d’expédition ont considérablement augmenté sur un an. La situation s’explique en partie par les creux où se situaient les prix il y a un an. Cela dit, les données mensuelles révèlent également des augmentations notables. Dans l’ensemble, l’inflation globale mesurée par l’IPC est en hausse de 5 % d’une année sur l’autre, mais la plus grande partie de cette hausse est attribuable à l’augmentation disproportionnée de certaines composantes du panier des prix à la consommation (figure 2). Selon l’IPC médian, qui ne tient pas compte des valeurs aberrantes dans l’ensemble des données, l’inflation n’est que de 2,1 %. L’inflation observée est donc fortement concentrée dans quelques secteurs au lieu d’être généralisée. Bien que l’inflation puisse rester élevée pendant quelque temps, il semble probable qu’elle se rapprochera de la médiane à mesure que les chocs de prix à court terme liés à la pandémie s’atténueront.
Figure 2 : Inflation aux États-Unis
Variation de l’IPC sur 12 mois
La Fed commence à préparer les esprits à un resserrement monétaire
La vigueur de la reprise économique et les pressions à la hausse qui s’exercent sur l’inflation, quoiqu’elles soient considérées comme temporaires, ont incité la Fed à aborder la question de la normalisation de sa politique. Les graphiques à point accompagnant les récentes prévisions économiques figurant dans le communiqué de la Fed qui a été publié le 16 juin font état d’un faible relèvement : il pourrait y avoir deux hausses en 2023, et certains membres prônent même une hausse en 2022 (figure 3). Il s’agit d’un changement notable, car la médiane des points obtenue lors de la réunion trimestrielle précédente ne préfigurait aucune hausse, même en 2023. Par ailleurs, il est probable que les mesures d’assouplissement quantitatif prendront fin avant la première hausse de taux. Les modifications apportées aux prévisions sont relativement modestes et ne constituent pas un changement important des perspectives. Il est possible toutefois que les investisseurs en tiennent compte dans une certaine mesure, car la Fed durcit le ton et est un peu moins favorable au marché.
Figure 3 : Taux cible des fonds fédéraux à la fin de l’année
Politique monétaire appropriée selon les membres du Comité fédéral de l’open market
Les marchés obligataires vacillent, la courbe des taux s’aplatit
Les taux des obligations à long terme ont été un peu volatils à la suite du communiqué de la Fed et se sont fixés dans la partie inférieure de leur récente fourchette de négociation. À 1,50 %, le taux des obligations américaines à 10 ans est inférieur de 25 points de base à la valeur de 1,75 % où il a culminé en mars, et il se situe maintenant légèrement en deçà de la limite inférieure de notre fourchette d’équilibre modélisée (figure 4). Nos modèles indiquent que les obligations d’État sont exposées à un risque de valorisation accru à de tels niveaux de taux, et les taux obligataires sont plus susceptibles, à notre avis, d’évoluer à la hausse qu’à la baisse au cours de notre période de prévision d’un an.
Figure 4 : Taux des obligations du Trésor américain à dix ans
Fourchette d’équilibre
Bien que les taux des obligations à long terme aient diminué, ceux des obligations à court terme se sont accrus, ce qui a eu pour effet d’aplatir la courbe des taux. L’écart entre le taux des obligations du Trésor à deux ans et celui des obligations du Trésor à dix ans, qui s’est considérablement rétréci au cours des dernières semaines, constitue un indicateur indirect de la pente de la courbe des taux (figure 5). À ce stade-ci, l’inclinaison de la pente de la courbe des taux est deux fois moins forte que celle qui a été atteinte au début des phases passées d’expansion économique. L’intervention soutenue des banques centrales continue de contenir les taux dans la portion éloignée de la courbe, mais les taux des obligations américaines à deux ans se sont accrus de 12 points de base en juin, de sorte que leur niveau a presque doublé. L’aplatissement marqué est attribuable à l’accentuation du sentiment d’incertitude des investisseurs, mais aussi à leur opinion selon laquelle le risque que la Fed soit prise de vitesse a diminué.
Figure 5 : Courbe de rendement des effets du Trésor américain
Écart de taux entre titre à 10 ans et titre à 2 ans
Le marché boursier fait fi de la Fed et atteint de nouveaux sommets records
L’idée que la Fed puisse commencer à hausser les taux dès la fin de 2022 a initialement entraîné l’ensemble des actions vers le bas, mais elles sont finalement remontées à des niveaux records. L’indice S&P 500 a ainsi gagné 14 % depuis le début de l’année et se situe encore à plus d’un écart type au-dessus de la juste valeur estimée par notre modèle (figure 6). Même si l’augmentation des taux d’intérêt est susceptible de freiner les valorisations boursières, le marché pourrait continuer d’évoluer à la hausse tant que les bénéfices continueront de croître.
Figure 6 : Fourchette d’équilibre de l’indice S&P 500
Bénéfices et valorisations normalisés
Les bénéfices sont en forte progression depuis près d’un an, et les analystes s’attendent à ce qu’ils poursuivent leur ascension au moins jusqu’en 2023. La figure 7 présente le bénéfice par action (BPA) du S&P 500 au cours des 12 derniers mois ; la section ombrée représente les valeurs prévues. Même si l’économie a sombré dans sa récession la plus profonde depuis la Grande Dépression des années 1930, les bénéfices se sont relevés à un rythme trépidant et devraient dépasser le sommet de 165 $ US atteint avant la COVID-19 d’ici le deuxième trimestre de 2021. Selon les prévisions des analystes, le BPA s’établirait à 232 $ US en 2023, ce qui représenterait une hausse de 40 % par rapport au sommet précédent. À moins que surviennent des chocs négatifs, nous admettons que les bénéfices pourraient atteindre les valeurs prévues, voire les dépasser, ce qui permettrait aux actions de poursuivre leur progression.
Figure 7 : Indice S&P 500
Bénéfice par action des sociétés au cours des 12 derniers mois
Les hausses de taux ne nuisent pas nécessairement aux actions
Alors que nous nous rapprochons du moment où un nouveau cycle de resserrement pourrait s’amorcer, il est utile d’examiner le comportement des actions au cours des cycles passés de relèvement des taux pour savoir ce qui nous attend. Nous avons recensé 17 cycles de resserrement depuis 1954, puis avons suivi l’évolution du S&P 500 au cours de la période de 12 mois qui a précédé la première hausse de taux et de celle de 36 mois qui l’a suivie. La figure 8 indique les résultats du S&P 500 au cours de ces périodes de durcissement ; ils ont été répartis en trois groupes afin d’accroître la précision des données présentées. Nous avons groupé les cycles selon qu’ils se sont terminés ou non par une récession, et la troisième ligne représente les résultats médians au cours de l’ensemble des cycles.
Figure 8 : Le S&P 500 et la hausse de taux des fonds fédéraux
Conséquences de la première hausse de taux sur le cycle actuel
Deux constats intéressants ressortent de ces données. En premier lieu, les actions se portent généralement bien au cours de la période de 12 mois précédant la première hausse de taux. En effet, leur rendement médian a été de 17 % au cours de cette période (figure 9). Leur comportement s’explique peut-être par le fait que le début d’un cycle de resserrement confirme que l’économie est suffisamment solide pour justifier une hausse des taux d’intérêt et que les investisseurs en ont pris note. En second lieu, après la première hausse, les actions ont obtenu de meilleurs résultats lorsque l’économie n’est pas entrée en récession (9 des 17 cycles) que lorsqu’elle l’a fait (8 des 17 cycles). Au cours des cycles sans récession, les actions ont avancé de 11 % par an au cours de la période de deux ans qui a suivi la première hausse de taux, tandis qu’elles ont fait du surplace au cours de la même période lorsque l’économie est entrée en récession. Même s’il reste peut-être plus d’une année avant la première hausse, l’analyse de ces périodes passées donne à penser que les investisseurs ne devraient probablement pas craindre la première hausse, mais qu’une fois le resserrement amorcé, il devient de plus en plus crucial de surveiller les signes d’une éventuelle entrée en récession.
Figure 9 : Statistiques sur le rendement du S&P 500 avant et après la première hausse de taux
Composition de l’actif – maintien de la surpondération des actions et de la sous-pondération des obligations
L’économie mondiale continue de connaître une reprise vigoureuse après la récession de l’an dernier. De plus, même si la croissance est peut-être sur le point d’atteindre son rythme maximal, l’expansion pourrait se poursuivre durant encore plusieurs années. La COVID-19 demeure un facteur de risque important, tout comme l’incidence potentiellement défavorable de la réduction des programmes de stimulation. Un éventuel resserrement de la politique monétaire pourrait entraîner une montée des taux obligataires, ce qui se traduirait pour les obligations d’État par l’obtention de rendements faibles, voire négatifs. De plus, le taux des obligations américaines à dix ans se situe dans la partie inférieure de la fourchette prévue et devrait augmenter au cours de notre période de prévision d’un an. Nous avons, par conséquent, conservé une sous-pondération en titres à revenu fixe. Les actions, en revanche, offrent toujours un potentiel de hausse raisonnable dans un contexte de forte croissance économique, ce qui devrait se traduire par une hausse soutenue des revenus des sociétés et une croissance appréciable de leurs bénéfices tant qu’elles réussiront à maintenir leurs marges bénéficiaires. Les actions américaines peuvent sembler chères selon nos modèles, mais d’autres régions offrent un potentiel de rendement supérieur. Par ailleurs, le contexte actuel de faiblesse des taux d’intérêt, l’inflation modérée et le nombre limité d’autres possibilités qui s’offrent aux investisseurs favorisent le maintien de valorisations supérieures à la moyenne. Pour ces raisons, nous conservons une surpondération en actions modérée. Nos recommandations actuelles de répartition de l’actif d’un portefeuille équilibré mondial sont les suivantes : 64,0 % en actions (pondération stratégique « neutre » de 60 %), 35,0 % en obligations (pondération stratégique « neutre » de 38 %) et 1,0 % en liquidités.