Investissement responsable
L’investissement responsable (IR) représente actuellement 26 % des actifs gérés professionnellement à l’échelle mondiale; des actifs totalisant 23 billions de dollars US sont gérés selon des stratégies d’investissement responsable.1 Ces stratégies comptent notamment l’intégration des critères ESG, la mobilisation, le filtrage, l’investissement basé sur le développement durable et l’investissement d’impact.1 Le présent article traite de l’intégration des critères ESG, une stratégie d’IR qui a progressé de 38 % mondialement, passant de 7,5 milliards de dollars US en 2014 à 10,4 milliards de dollars US en 2016.1
La prévalence de l’intégration des critères ESG
RBC Gestion mondiale d’actifs a publié en octobre 2017 le résultat de son sondage mondial sur les critères ESG, qui visait à obtenir une meilleure compréhension de l’opinion de détenteurs d’actifs institutionnels et de conseillers en placements au Canada, en Europe et aux États-Unis sur le rôle que joue l’intégration des critères ESG dans la gestion des portefeuilles. Le sondage a révélé que l’IR est devenu une pratique courante, mais bon nombre de questions et d’avis opposés demeurent au sujet de l’intégration des critères ESG.
Les répondants ont affirmé, à 67 %, qu’ils appliquaient des principes ESG dans leur démarche et leurs décisions en matière de placements. En Europe, 85 % des répondants indiquent qu’ils intègrent les principes ESG. Viennent ensuite les États-Unis et le Canada, avec 49 % et 73 % respectivement.
Qu’est-ce qui motive l’intégration des critères ESG (ou l’absence de ceux-ci)? Trois principales raisons incitent les répondants à intégrer des critères ESG dans leurs décisions en matière de placements : les décisions prises sont basées sur différents facteurs et non seulement des questions financières (57 %); une proposition de valeur claire (meilleur compromis risque-rendement, 37 %); mandat confié par le conseil d’administration et autres partenaires (36 %).
Les investisseurs institutionnels qui n’intègrent pas de critères ESG dans leur analyse expliquent ceci : aucune demande du conseil d’administration et des partenaires (52 %); proposition de valeur mal définie (compromis risque-rendement, 40 %); décisions d’investissement prises uniquement en vertu de facteurs financiers (35 %). Il existe un net écart entre les investisseurs institutionnels qui intègrent les critères ESG et ceux qui ne le font pas; le débat reste entier quant aux résultats obtenus grâce à ces facteurs en termes de rendement alpha généré.
Générer du rendement alpha et réduire le risque
Les opinions divergent largement entre les investisseurs d’Europe et du Canada et ceux des États-Unis quant à l’analyse fondée sur des critères ESG utilisée comme source de rendement alpha et de réduction du risque. Les répondants européens et canadiens considèrent l’intégration de ces facteurs comme un atténuateur de risque dans une proportion de 77 % et 68 % respectivement, comparé à 28 % des répondants aux États-Unis. Pourquoi ces divergences d’opinion? Peut-être que les répondants américains ne considèrent pas les risques ESG comme une menace importante ou s’agit-il de différences culturelles ou de contextes réglementaires distincts. Il est clair qu’on ne s’entend pas sur l’efficacité de l’analyse fondée sur des critères ESG pour cerner les risques d’un portefeuille et de les gérer.
Lorsqu’on considère l’intégration des facteurs ESG comme une source d’alpha, la divergence oppose l’Europe à l’Amérique du Nord. Au Canada et aux États-Unis, 21 % et 17 % des répondants respectivement pensent que les facteurs ESG sont une source d’alpha, comparativement à 51 % des répondants européens. Les répondants américains (59 %) et canadiens (37 %) ne considèrent pas les facteurs ESG comme une source de rendement alpha, d’où l’incertitude de ces investisseurs sur ce sujet.
Le fait que l’analyse fondée sur les critères ESG réduise le risque et génère du rendement alpha semble faire l’unanimité en Europe, mais pas encore en Amérique du Nord et en particulier aux États-Unis.
L’intégration des critères ESG et les rendements
Les gestionnaires se persuadent que le fait d’intégrer une analyse fondée sur les critères ESG à leur processus de placement aura une incidence sur le risque d’investissement et sur les rendements. Le sondage révèle toutefois que les investisseurs institutionnels craignent qu’un critère d’investissement autre que financier entraîne une baisse des rendements.
Il souligne une autre importante divergence au sujet des effets de l’intégration des critères ESG sur la performance et, ici encore, les répondants américains se montrent sceptiques à cet égard. À peine 5 % des répondants ont affirmé catégoriquement croire que les placements axés sur les critères ESG allaient offrir des rendements supérieurs aux placements qui ne misent pas sur ces facteurs, tandis que 26 % des investisseurs sondés estiment que les placements axés sur des critères ESG offriront des rendements inférieurs
Exhibit 1 : À votre avis, les placements qui intègrent les critères ESG vont-ils générer des rendements égaux ou supérieurs à ceux des placements qui n’intègrent pas ces critères?
Aussi, 82 % de tous les répondants croient que les placements axés sur les critères ESG obtiendront des rendements égaux ou meilleurs que les autres placements. 67 % de tous les répondants s’attendent à voir les sociétés qui appliquent les meilleurs principes ESG améliorer leurs données de rendement durable à long terme.
Cette question sur la performance des placements axés sur les critères ESG polarise les points de vue. Le sondage démontre qu’un pourcentage élevé des répondants, particulièrement aux États-Unis, a du mal à accepter que l’intégration des critères ESG peut conduire à une meilleure performance des placements, tandis que pour une autre forte proportion des répondants, il s’agit d’un faux problème. Cette situation présente une occasion d’informer les investisseurs sur la performance des placements axés sur les critères ESG et d’anéantir le mythe qui veut que tenir compte des critères ESG signifie de devoir sacrifier le rendement.
Élan d’intégration des critères ESG
Où s’en va l’intégration des critères ESG? Adopter l’analyse fondée sur les critères ESG semble être une tendance à la hausse, puisque 25 % des répondants ont affirmé qu’ils prévoyaient l’an prochain augmenter la part allouée aux gestionnaires qui intègrent de tels critères dans leur processus d’investissement ou aux stratégies de placement axées sur ces critères.
Qu’est-ce qui pourrait freiner l’élan d’intégration des critères ESG? Une majorité d’investisseurs qui emploient les critères ESG dans toutes les régions ne sont pas satisfaits de la qualité de l’information divulguée par les émetteurs. De plus, il n’y a pas de consensus à savoir qui devrait orienter l’industrie vers de meilleures pratiques d’établissement des rapports. Aux États-Unis et au Canada, 43 % et 38 % des répondants respectivement ont indiqué que les actionnaires devraient s’en charger par des initiatives soumises au vote par procuration, tandis qu’en Europe, 43 % des investisseurs sondés ont dit que c’était aux organismes gouvernementaux de réglementation d’y voir.
Une autre tendance qui pourrait avoir une incidence sur le dynamisme de cette intégration des critères ESG est la situation démographique des investisseurs. Le sondage révèle que le manque d’exigences à cet égard explique pourquoi certains répondants n’ont pas opté pour l’intégration de l’analyse fondée sur des critères ESG dans leur processus décisionnel. Néanmoins, les investisseurs de la génération du millénaire perçoivent la gestion des risques ESG et les possibilités offertes par ces placements comme étant essentielles pour la performance à long terme de leurs portefeuilles2. Étant donné que le transfert intergénérationnel des richesses vers cette génération s’accélérera au cours des prochaines années, la demande de stratégies intégrant les critères ESG devrait augmenter, à notre avis.
Il ne fait aucun doute que l’Europe domine l’intégration des critères ESG. Le retard de l’Amérique du Nord à ce chapitre s’explique notamment par l’incertitude entourant la performance des placements axés sur les critères ESG. Au beau milieu de cette incertitude et d’un manque de consensus sur les principaux problèmes, les projets visant à accroître l’attribution aux stratégies axées sur les critères ESG à court terme sont un indicateur d’une augmentation du taux d’adoption à l’échelle mondiale. Pour maintenir ce dynamisme, il y a un besoin évident d’informer les investisseurs sur l’IR en se concentrant sur la proposition de valeur de l’intégration des critères ESG.