Transcription
Bonjour et bienvenue à cette édition de À télécharger. Je suis votre hôte, Dave Richardson, et j'ai cru qu’il était grand temps que nous recevions notre prochaine invitée. Elle et moi vivons dans le même quartier. Je pourrais littéralement frapper une balle de golf jusque dans son jardin. Mais la seule fois où je l'ai vue au cours des six derniers mois, c'était lorsque nous étions ensemble à Londres, au Royaume-Uni. J'ai donc pensé que ce serait une bonne occasion de rattraper le temps perdu et de recevoir notre bonne amie Melanie Adams. Melanie est responsable de la politique d'investissement ESG (environnement, social et gouvernance) chez RBC Gestion mondiale d’actifs. Est-ce la bonne façon de décrire votre rôle, pour les nouveaux auditeurs qui ne vous connaissent pas encore?
Merci de m'avoir invitée, Dave. Je suis très heureuse d'être ici, comme toujours. Pour définir mon rôle, je dirais que je dirige l'équipe d'investissement responsable chez GMA. Nous sommes dix-sept personnes, en tout. Nous sommes une équipe mondiale et notre rôle est de soutenir les équipes de placement et l'entreprise en général sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance.
Melanie, la dernière fois que nous vous avons reçue, c’était il y a six ou huit mois, et il se passe beaucoup de choses dans ce domaine, comme toujours, parce qu’il est si important. On y consacre beaucoup de reportages, parfois pour de bonnes raisons, mais parfois aussi — et je suis sûr que vous serez d'accord — pour les mauvaises raisons. En général, qu'est-ce qui se passe en ce moment dans ce domaine qui pourrait intéresser les auditeurs?
Il se passe beaucoup de choses en ce moment, Dave. Je les classerais probablement en trois catégories principales, pour faciliter notre travail. Le premier est l'augmentation continue de la réglementation. Nous avons vu apparaître un certain nombre de réglementations en Europe, à la fois pour les entreprises et la manière dont elles divulguent leurs questions ESG, mais aussi pour les gestionnaires d'actifs et la manière dont nous divulguons différentes mesures. Au Canada aussi, nous avons récemment vu apparaître une nouvelle réglementation émanant des autorités des valeurs mobilières concernant la divulgation des informations relatives aux fonds et la manière dont ces derniers intègrent les considérations ESG. Nous y travaillons actuellement, comme tous nos homologues dans ce domaine, pour nous assurer que tous nos documents contiennent des informations complètes, simples et exactes. Voilà pour ce qui est de la réglementation. Le deuxième domaine est le contrecoup des ESG que nous avons vu aux États-Unis. Et cela s'amplifie sans cesse. Nous l'observons dans de nombreux domaines, qu'il s'agisse d'antitrust ou de boycott, dans différents secteurs. Au point que ce contrecoup est devenu un enjeu politique. À mon avis, il s'agit d'un malentendu sur ce qu'est l'intégration ESG et ce qu'elle signifie. Il y a donc beaucoup de travail d'éducation à faire dans ce domaine. Et en cette année électorale aux États-Unis, nous allons le voir de plus en plus. En tant que sujet de discorde, il bénéficie d'un temps d'antenne important. Enfin, le troisième domaine semble, lui, avoir toujours existé. Il s'agit des domaines thématiques des ESG que nous connaissons depuis longtemps. Nous savons que le changement climatique est un risque systémique. C'est quelque chose que nous devons examiner. Nous observons de plus en plus d'événements climatiques à l'échelle mondiale, de même que de nombreux problèmes liés aux droits de l'homme, ce qui est devenu un sujet de discussion pour la communauté des investisseurs et la manière dont nous évaluons ces types de risques.
Excellent résumé, comme toujours. Concis, articulé. C'est pourquoi nous aimons vous avoir comme invitée. Passons au premier point, la réglementation. Je suppose que ce problème n'est pas près de disparaître. C'est quelque chose de permanent et c'est vraiment une grande partie du rôle que vous jouez à savoir suivre ce qui se passe d'un point de vue réglementaire et de vous tenir au courant de la conformité, de suivre ces réglementations au sein de l'entreprise et d'être conscient de la façon dont cela affecte les décisions d'investissement, la façon dont les entreprises sont gérées dans le monde entier.
Oui, et c'est en fait un excellent point que vous soulevez, Dave, lorsque vous évoquez comment les entreprises sont gérées dans le monde entier. L'un des plus grands développements a été l'International Sustainability Standards Board. L'acronyme est ISSB, que l’on connaît bien. Il fait partie des IFRS. Il s'agit de notre organisme de normalisation comptable à l'échelle mondiale, à l'exception des États-Unis, qui utilisent, eux, les GAAP américains. Mais ils établissent maintenant des normes pour que les entreprises fassent état des paramètres ESG conformément à ces normes particulières. En ce moment même, des régions comme le Canada évaluent ces normes et déterminent s'il faut ou non les intégrer dans les exigences légales en matière de rapports d'entreprise. Il s'agit d'une évolution très intéressante dans ce domaine. En tant qu'investisseurs, nous nous en réjouissons, car nous voulons des rapports normalisés de la part des entreprises. Toujours au niveau de la réglementation, l'Europe continue de nous imposer des exigences très contraignantes en matière de rapports, en vertu desquelles nous devons, en tant que gestionnaires d'actifs, rendre compte d'indicateurs ESG très spécifiques pour nos clients. Que nos clients le veuillent ou non, nous devons publier ces informations. Le Canada a encore tendance à s'aligner sur les États-Unis en termes de reddition de comptes. On ne va pas vous dire ce qu'il faut rapporter, mais si vous le faites, vous devez être complets, clairs et transparents. Je pense que les termes juridiques utilisés sont «divulgation complète, claire et transparente». Tant que vous dites ce que vous faites, vous pouvez le faire. Tant que vos investisseurs comprennent et que vous êtes très clair à ce sujet, c'est ce qui est vraiment important.
Oui, c'est vrai. L'une des choses essentielles à retenir en tant qu'investisseur est que vous pouvez placer les facteurs ESG et l'investissement responsable en tête de vos décisions d'investissement, ou bien vous pouvez dire que cela ne vous intéresse pas. Mais quoi qu'il en soit, vous devez reconnaître qu'en raison de la direction que prend la réglementation — et nous parlerons de certains éléments thématiques — vous voulez, en tant qu'investisseur, comprendre tous les risques que vous encourez en faisant un investissement particulier. Et si vous ignorez cela, vous ignorez un élément très important de la prise de décision en matière d'investissement. Il faut donc s'en préoccuper. Si je suis un pur et dur, je peux insister pour que ce soit un élément important pour le gestionnaire d'actifs qui gère mon argent, ou bien je ne m'en préoccupe pas du tout.
Tout à fait. Si vous êtes un prestataire de soins de santé et que vous avez accès aux informations de vos clients, il est important de comprendre les politiques et les protocoles de cybersécurité qui ont été mis en place pour protéger ces informations, car cela représente un risque énorme pour l'entreprise s'il n'y a pas de politiques et de procédures solides à ce sujet. En tant qu'investisseurs, nous voulons le savoir. Nous voulons comprendre cela. On a vu des entreprises se voir infliger des amendes réglementaires. Il s'agit donc de comprendre comment ces questions sont abordées, quel est le type de culture de ces organisations. Il est très important de savoir comment elles abordent ce type de questions. Nous parlons souvent de questions climatiques, de questions liées à la nature, de questions liées à l'eau. Si vous êtes une entreprise de boissons et qu'il y a des problèmes liés à l’eau, comment allez-vous faire? C'est essentiel pour le succès de l'entreprise. Il est donc très important de se pencher sur ce type de questions. Les entreprises technologiques, elles aussi, sont confrontées à de nombreux problèmes, et il s'agit d'un secteur qui évolue très rapidement. La santé et la sécurité sur le lieu de travail ont été un problème majeur, par exemple, pendant la pandémie. La façon dont ces entreprises abordent ces questions sera très importante pour la performance de notre portefeuille.
Oui, absolument. En tant qu'investisseurs, nous essayons de maximiser notre rendement pour un niveau de risque donné. Si nous ne comprenons pas tous les risques que nous prenons dans un investissement donné, nous passons à côté d'une grande partie de l’équation. Et c'est au cœur de ce qui est mal compris dans ce contrecoup des ESG que nous voyons dans certaines régions des États-Unis.
Oui, absolument.
Alors, parlons-en. Est-ce que cela rend votre rôle plus difficile ou est-ce que vous considérez cela comme beaucoup de bruit pour rien, en cette année d'élections? En quoi ce contrecoup affecte-t-il la façon dont vous et votre équipe avez travaillé ces derniers mois?
Ce n'est pas comme d'habitude. Certainement pas. Nous y sommes très attentifs. Nous investissons grandement aux États-Unis et nous voulons nous assurer que nous sommes toujours en conformité. Il y a donc beaucoup de formation à faire pour comprendre quelles sont les différentes positions, quelles sont les préoccupations, ce que veulent nos clients, ce qu'ils recherchent aux États-Unis, afin que nous soyons en mesure de répondre pleinement à leurs attentes. Il s'agit d'un travail supplémentaire, et nous devons nous assurer que nous restons au fait de l'actualité et de ce qui se passe aux États-Unis. Nous nous sommes toujours positionnés. Nous avons toujours été très clairs, à mon avis. J’ai peut-être un parti pris, mais nous avons toujours essayé d'être transparents sur ce que nous essayons de réaliser. Pourquoi nous le faisons. Tout ça est lié au risque et au rendement. C'est la raison pour laquelle nous le faisons. Non pas parce que nous avons un point de vue moral particulier sur ce que nous faisons, mais parce que nous le faisons dans l'intérêt de nos clients. Il s'agit de faire passer ce message et d'être très clair à ce sujet. Mais ce n'est pas nouveau. Cela a toujours été le grand défi dans ce domaine: éduquer, expliquer et s'assurer que les gens comprennent pourquoi nous le faisons. Bien sûr, nous avons des clients qui ont des exigences particulières. Nous discutons avec ces clients et nous comprenons ce qu'ils veulent afin de pouvoir les satisfaire au mieux.
Beaucoup de transparence, beaucoup d'informations, en utilisant des mesures que nous pouvons montrer aux clients, aux investisseurs potentiels. C'est ensuite au client de décider comment il veut utiliser ces informations, s'il va chercher un investissement particulier qui exclut certaines zones du marché ou s'il va simplement les utiliser dans le cadre de l'évaluation générale du risque de ce véhicule d'investissement et aller de l'avant. Il s'agit de transparence et de fournir aux investisseurs des informations leur permettant de prendre de meilleures décisions. La décision qu'ils prennent leur appartient. Et le rôle des gestionnaires d'investissement est d'offrir un choix à un grand nombre de clients différents. C'est généralement la philosophie que vous et votre équipe suivez, n'est-ce pas?
Tout à fait. Et dans ce contexte, Dave, il y a aussi la gestion active. On parle souvent d'intendance active. Il s'agit en fait de s'engager auprès des entreprises, d'exercer nos droits de vote d'une certaine manière. Mais l'un des éléments les plus importants est la rencontre avec les conseils d'administration et la direction des entreprises, qui nous permet de comprendre comment ils envisagent ces risques. Et les opportunités aussi; car il n'y a pas que des risques, il y a aussi des opportunités dans cet espace. Nous prenons en compte ces informations et les intégrons dans la décision d'investissement.
Oui, et comme nous l'avons dit, ce n'est pas nécessairement accepté par tout le monde, mais l'idée que vous investissez dans les entreprises et que cela vous donne un siège à la table pour avoir des discussions à ce sujet. Encore une fois, vous ne dites pas exactement à l'entreprise ce qu'elle doit faire, mais vous lui indiquez des éléments auxquels elle devrait penser pour gérer les risques efficacement, ou les risques qu'elle ne voit peut-être pas pour obtenir les résultats commerciaux qu'elle recherche sur le long terme. Et la philosophie qui consiste à être présent à la table des négociations ou à ne pas investir du tout dans l'entreprise, ce sont deux philosophies différentes. Je pense que, d'après votre expérience, il est clair qu'avoir un siège à la table est beaucoup plus précieux que de ne pas y être du tout.
Tout à fait. Nous ne pensons jamais que ce devrait être nous qui gérions cette entreprise. Nous ne pensons jamais que nous sommes mieux placés que la direction de l'entreprise pour gérer ses affaires. Nous ne disons pas à une entreprise qu'elle doit faire ceci ou cela, mais ce que nous essayons de faire, c'est de mieux comprendre comment l'entreprise elle-même réfléchit à ce type de risques. Parfois, nous leur demandons de divulguer davantage d'informations afin que tout le monde puisse avoir accès à ce qu'elles font. Dans certains cas, nous essayons de suggérer qu'il y a peut-être des risques qu'elles devraient mieux prendre en compte, mais il ne nous revient pas de leur dire comment faire.
Je ne vous dirai pas moi non plus comment faire, mais je me suis procuré ce gadget très sophistiqué que nous avons installé dans notre maison pour gérer la mauvaise qualité de l'eau du quartier. Si cela vous intéresse, je vous en parle après l’émission. Les auditeurs ne peuvent pas voir mes cheveux, mais grâce à ce dispositif de gestion de l'eau, ils sont magnifiques. Et mon café est également meilleur. Tout le monde y gagne. C'est un appareil bon marché et facile à installer. Sur le plan thématique, quels sont les problèmes auxquels vous êtes confrontée et quel en est l'impact sur vous et sur l'équipe?
Sur le plan thématique, vous voulez dire en général?
Les risques. Nous constatons que certains des risques climatiques dont on parle depuis longtemps commencent à se concrétiser et à avoir un impact sur différentes industries.
Oui, c'est vrai. Il est bon de mentionner que nous avons une certaine expertise en matière de climat au sein de l'équipe. Nous disposons de ces connaissances en interne que nous pouvons utiliser pour soutenir les équipes d'investissement et leur analyse. Et les droits de l'homme aussi constituent un enjeu majeur à venir. Nous avons donc développé très activement nos compétences dans ce domaine particulier. C'est un domaine très difficile à certains égards, en tant qu'investisseurs, pour comprendre comment ces risques peuvent avoir un impact sur les performances, où ils se situent, et si nous avons suffisamment d'informations de la part des entreprises à ce sujet. Il s'agit d'un domaine d'intérêt majeur pour nous également à l'heure actuelle.
Dans toute question relative aux droits de l'homme, il y a deux côtés à la médaille. Il y a des gens qui soutiennent avec véhémence un côté, et d'autres qui soutiennent l'autre. Comment pensez-vous à cela en termes de gestion des risques au sein d'une entreprise ou d'un investissement potentiel?
C'est la même chose pour toutes les questions ESG. Il y a toujours deux côtés à chaque histoire. C'est la même chose pour le climat, c'est la même chose pour les droits de l'homme. Il y a toujours différents éléments auxquels nous devons réfléchir. La recherche, la diligence raisonnable, l'écoute, l'apprentissage et la compréhension de la manière dont, en tant qu'investisseurs, nous pouvons utiliser les informations apprises pour répondre au mieux aux exigences de nos clients. Nous ne résolvons pas les problèmes nous-mêmes, mais nous investissons pour le compte de nos clients afin de maximiser leurs rendements. C'est dans cette optique que nous devons réfléchir à toutes ces questions. Il est très important d'obtenir toutes les informations possibles. Il existe aujourd'hui de nombreuses ressources pour obtenir des données ESG et des informations. Nous sommes abonnés à de nombreuses recherches qui ont cours. Nous sommes en mesure d'obtenir toutes ces informations, de faire ce genre d'évaluations et de les mettre entre les mains de toutes nos équipes d'investissement.
Je reviens sans cesse sur ce mot, la transparence. Une fois que nous avons une opinion ou que nous prenons une décision particulière dans une direction ou une autre, tout le monde doit en être conscient. En tant qu'investisseur individuel, je peux choisir de poursuivre cet investissement ou de dire que ce n'est pas pour moi, que je vais passer mon tour, que je vais aller voir ailleurs. Mais tant que vous savez dans quoi vous investissez, que les risques ont été mesurés et que la décision appropriée a été prise pour ce portefeuille particulier, vous avez le choix et vous savez exactement ce que vous faites.
Il est important de rappeler que nous pouvons être investis dans une entreprise qui semble prendre beaucoup de risques ESG. Pourquoi un gestionnaire d'actifs qui prend en compte les facteurs ESG investirait-il dans une telle entreprise? Eh bien, cela fait partie du processus. C'est l'intégration ESG. Il ne s'agit pas de retirer toutes les entreprises qui présentent des risques ESG. Pourquoi détenons-nous ce titre? Il peut y avoir différentes raisons, mais en général, c'est parce que nous pensons que les risques ESG ont été pris en compte. Nous pensons que l'entreprise est en train de changer les choses et qu'il y a un potentiel de hausse pour le client, que l'entreprise commence à gérer ces risques, qu'elle s'engage sur cette voie, qu'elle va s'améliorer et qu'elle aura probablement un bon résultat pour nos clients, et c'est la raison pour laquelle nous investissons.
Et une fois que vous avez investi, vous êtes à la table pour vous assurer que l'entreprise évolue dans la bonne direction sur ces questions. Vous êtes là pour surveiller et vous assurer qu'elle continue sur cette voie et qu'elle réduit les risques qui existent au sein de l'entreprise et qu'elle constitue un meilleur investissement pour les clients qui investissent dans ce fonds en particulier.
Tout à fait. Nous avons toujours la possibilité de désinvestir, mais il y a d'autres moyens de faire plus pour nos clients.
Melanie, c’était super. J'ai beaucoup appris. J’en apprends toujours beaucoup, d’ailleurs, même au cours d'une brève conversation comme celle-ci. Et je suis sûr que les auditeurs ont également beaucoup appris parce qu’il s’agit d’un domaine difficile, mais tellement important, et personne ne le présente mieux que vous. Merci de toujours répondre favorablement à notre invitation. On l’apprécie beaucoup.
Merci beaucoup de m'avoir invitée. Comme toujours, c'est un réel plaisir.